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Témoignage de Lazare Rachline auprès du Comité d'histoire de l'Occupation et de la Libération de la France

Correspond à la page :

Note de l'auteur

Ce témoignage, déposé aux Archives Nationales, comporte 107 pages et fut enregistré, puis transcrit, au tout début des années 1950. Cote AN : 72 AJ 1911.

Retranscription

RESEAU ANGLAIS "VIC" B.C.RA. (Section N/M) Mission Clé Mission Urodonal

Témoignage de Mr. RACHLINE

Recueilli pour la Commission d’Histoire de l’Occupation et de la Libération de la France par Melle GOUINE AU les 23/10/50 - I7/2/5I - 9/I0/5I etc.


Mobilisé en 40, Mr. RACHLINE fut prisonnier de guerre en Allemagne jusqu’en avril 41, date à laquelle il s’évada et regagna le France.

Il a connu l’appel de de GAULLE en captivité; par de nouveaux arrivés, ils ont su peu à peu ce qu’il faisait. Dans le Stalag IV B où il se trouvait, il y avait une équipe gaulliste dont il faisait partie. Pour se reconnaître, les membres de cette équipe portaient deux allumettes "2 gaulles".

Quand il rentre en France, il rejoint sa femme, alors à Brive et va voir quelques amis. Il était vice-président, avant la guerre, de la Ligue contre l’antisémitisme et le racisme, il trouvera dans ce milieu, aussitôt son retour, des résistants.

Le premier instrument de lutte qu’on lui présenta contre l’occupant, fut un tract (un de ses amis fut arrêté à Toulouse pour ce tract : RUDESTKY; il demeure quelque temps en prison militaire, puis des officiers arrangèrent l’histoire.)

On lui avait indiqué qu’un ancien camarade, G. ZERAPHA, faisait sauter les trains, faisait partir des combattants en Angleterre par l’Afrique du Nord. C’était précisément le désir de Mr. RACHLINE de partir pour continuer la lutte. Il rejoint donc ZERAPHA près de Marseille et lui dit : "il parait que… Pas du tout, lui répond-il, on m’attribue n’importe quoi.

Il précise qu’il est seulement en rapport avec E. d’ASTIER de la VIGERIE qui lui passe les journaux "Libération" "Petites Ailes". Alors R. se met à distribuer avec ses amis, en particulier Daniel MEYER, ce que passait d’ASTIER. Ils sont donc liés au premier comité directeur de "libération".

Il a connu à ce moment-là KOHAN, déjà résistant. Lui était tout neuf pour l’action clandestine, puisqu’il arrivait. Il était heureux de revoir tout le monde et de constater que la plupart de ses amis faisaient autre chose que d’attendre.

ZERAPHA l’a mis en contacts av "CARTE" et le Dr LEVY d’Antibes. Ils vont voir "CARTE" qui parlait déjà d’un organisme très important, sérieux ; il demande à R. ce qu’il pouvait faire : n’importe quoi. CARTE prétendait être en rapports avec les Anglais, des sous-marins venaient d’Angleterre par lesquels s’échangeaient des agents. "CARTE" lui donne différentes missions : il lui demanda d’établir des postes de radio. Comme ingénieur, M.R. avait toutes les possibilités pour cette affaire : elle n’eut pas de suite. Sa première action réelle pour "CARIE" fut d’un autre ordre : 3 agents de l’I.S. étaient arrivés à Antibes par sous-marin ; l’un des adjoints de CARTE, FRAGER, raconte à Mr R. une histoire bizarre et lui demande de trouver un endroit pour loger un des 3 agents qui devait partir pour la région de Toulouse (début 42).

Entre temps, son frère s’était évadé lui aussi et il habitait Toulouse. C’est chez lui qu’il a envoyé cet agent "EUGENE" (qui fut arrêté par la suite et pendu). Il avait fait un beau réseau à Toulouse qui a dû dure jusqu’au mois de juin 1943.

ZERAPHA et Mr. RACHLINE étaient très inquiets sur la manière dont s’organisait la résistance. Il n’y avait pas de contacts réels avec Londres. On n’avait que des tracts. Les contacts que 1’on trouvait étaient dangereux, bizarres, on n’avait pas l’impression de sérieux.

Ils essayent toujours de partir. Tout ce qu’ils faisaient, c’était pour mériter de rejoindre de GAULLE. Ils en cherchent constamment le moyen. Un ami de ZERAPHA part pour l’Espagne. Un Curé avait indiqué un passage par Perpignan. Mais le type avait été arrêté, le réseau était complètement détruit. Ils reviennent donc à Marseille où l’histoire continue.

Mr R. avait aussi rencontré Philippe ROQUES qui lui dit avoir été en contact avec Londres et avoir perdu ce contact. A cette, époque ni d’ASTIER, ni les autres n’étaient en contact avec Londres.

En juin 1941, le Journal officiel publie un décret dénationalisant Mr. R. en tant qu’ancien vice-président de la L.I.C.A à la suite de la propagande de BERAUD. Sa femme restée à Brive est un peu affolée ; des amis lui signalent que sa croix de guerre, le fait qu’il ait été engagé volontaire malgré ses trois enfants doivent rendre impossible cette mesure et lui conseillent d’aller voir un avocat. Il s’adresse à GOEAU-BRISSONIERE qu’il va consulter comme client pour qu’il s’occupe de cette question de nationalité.

Il était encore plein d’illusions. On ne pouvait ni supposer ni assimiler cette idée de dénationalisation. En même temps, il poursuivait son travail clandestin. Il était alors en rapports aussi avec VAUTRIN qui était plus ou moins officiel (il essayait d’avoir WEYGAND).

Au bout de la 2ème ou 3ème visite d’affaires chez GOEAU il a senti qu’il avait devant lui un résistant ; ils se comprennent parfaitement. On laisse tomber l’affaire de renationalisation qui ne servira désormais que de couverture et en ne parle plus que de résistance. Il sentait 1’espoir de pouvoir toucher Londres par GOEAU. Pour Mr. RACHLINE, toucher Londres c’était atteindre de GAULLE. Il ne savait point que toutes les voies n’aboutissaient pas au Général.

GOEAU lui demanda une première fois s’il pouvait lui faire construire des postes de radio. Bien sûr ; trois jours après, il lui dit de laisser tomber et pose une autre question : est-ce que vous pourriez, en tant qu’ingénieur, aller à Paris vous rendre compte des résultats des bombardements anglais ?

  • Oui, très facilement ; donc, vous êtes en contact avec les anglais ?

GOEAU acquiesce avec beaucoup de mystère. 2 ou 3 jours se passent et c’est autre chose : GOEAU lui demande des maisons où l’on pourrait recevoir des agents débarquant sur la côte.

Pour en chercher R. va à Juan-les-Pins voir son ami Marcel BLEUSTEIN, qui avait une villa très bien placée. Il est aussitôt d’accord comme deux ou trois autres. On ne les a jamais utilisés.

2 ou 3 jours plus tard, GOEAU : est-ce que vous seriez susceptible de trouver un plan de terrain d’atterrissage secret. R. va chercher.

Chaque fois, c’était quelque chose d’autre. C’était comme chez "CARTE" : tous ces gens étaient fort bien organisés et quand un agent arrivait, il fallait que lui, M. RACHLINE, le dernier arrivé, 1e mît à l’abri.

R. va toujours voir ZERAPHA. Un jour celui-ci lui présente un garçon très bien, LAMBERT, adjudant d’aviation. Il avait déjà été arrêté pour avoir distribué des "Libération" avec la petite Geneviève de GAULLE. Il lui dit l’objet de ses recherches et LAMBERT lui répond : mais tous les terrains ont déjà été communiqués aux Anglais.

Mr. R. cherchait par tous les moyens à se rendre utile et ne savait pas comment ; 10 fois, il s’est déplacé avec ZERAPHA, croyant avoir trouvé une filière pour rejoindre de GAULLE sans jamais aboutir.

Enfin, un jour GOEAU-BRISSONIERE lui dit : cette fois, je vous pose une question brutale et sérieuse : jusque-là ce que je vous demandais, c’était pour vous éprouver : il y a actuellement 6 officiers anglais arrêtés, ils sont dans un camp, êtes-vous prêts à organiser leur évasion ?

  • Oui, bien sûr !

  • Dans ce cas, je vais vous présenter à un grand chef de l’I.S.

Il lui donne rendez-vous au "Cecil Hôtel" pour le présenter à cet anglais. Il voit là un FOCH, un petit Els du Maréchal lui dit GOEAU-BRISSONIERE.

Dès qu’ils sont entrés dans une petite pièce, une des chambres de l’hôtel, apparait le commandant "VIC" [GERSON) en pantalon de pêcheur et chemise Lacoste.

  • Vous êtes LUCIEN dit-il à RACHLINE
  • Oui !

Il l’a bien regardé.

Ce VIC était un petit bonhomme aux yeux brillants, noirs, à la Egure très énergique. Il semblait dans cet appareil un estivant.

  • Alors GOEAU vous a parlé de 1’opération ? Vous êtes prêt ?
  • Oui
  • Bon on vous donnera des ordres.

Les évasions du camp de Mauzac

Mr R. établit avec GOEAU un plan. Il a appris qu’il s’agissait du camp de Mauzac où GOEAU pouvait entre puisqu’il est l’avocat de LIEVERT.

En arrivant à Mauzac, pour étudier l’affaire de près, R. rencontre Mme Gaby BLOCH qui lui apprend que son mari est aussi dans le camp. Elle allait pouvoir les aider. Mais su lieu de 5 ou 6 évasions, il faudrait pour ajouter Pierre BLOCH et ses camarades français en réaliser 12 ; la situation était plus compliquée.

La clandestinité était encore un mot vide de substance. Mr R. avait pensé s’inscrire à l’Hôtel de Mauzac sous un autre nom, GOEAU l’en dissuada. Il s’installa donc sous son vrai nom.

Mme BLOCH le met en rapport avec "Le Frisé" et il commence à établir son plan. Il retourne à Cannes, prend avec lui LAMBERT. On lui promet tous les crédits qu’il désirait. Il en avait besoin d’assez peu à vrai dire, donné par GOEAU qui l’avait reçu de VIC (c’est Miss HALL, dite "VIRGINIA" accréditée par Vichy, comme journaliste américaine qui dispensait de Lyon les crédits pour tout le pays. C’est chez elle qu’on trouvait toujours argent, faux papiers. Elle a fait énormément pour les Anglais. Elle avait déjà essayé avec d’autres de réaliser les évasions de Mauzac).

Quand Mr. R. entreprit l’affaire, déjà tentée par Miss HALL, il eut du mal à obtenir des Anglais qu’on fît sortir aussi les Français. Pour les Français, les difficultés étaient plus apparentes police, gendarmes, soldats. Mr. R. travaillait sérieusement cette affaire, mais sans espoir de réussir.

"LE FRISE" suggéra d’abord une idée absurde : faire sortir les gars puis les emmener à 30kms de là en vélo. C’était idiot d’en attendre un tel effort physique. Toutefois, ils essayèrent ; Mr RACHLINE et LAMBERT firent le trajet proposé, ce fut dur pour eux. Pour des gens épuisés, c’eût été impossible. Alors ils commencèrent à chercher des voitures, ce qui était fort difficile à trouver. Mr. RACHLINE et LAMBERT font 100kms à vélo (dont un vélo de femme) pour joindre un médecin qui avait été signalé par la femme d’un gardien dans le coup, comme ayant une auto. Ils arrivent donc chez ce jeune docteur de campagne qui faisait de la résistance. – "Vous avez une voiture ?" - Oui, mais toute petite, elle fait un boucan du tonnerre de Dieu". R. met quelques heures à le convaincre ; enfin il dit oui. Ils reviennent le lendemain pour prendre la voiture. Le Dr. Refuse : "Je veux savoir de quoi il s’agit. Je suis un personnage important de la Résistance, je ne peux pas marcher sans savoir". Il se dégonfle.

En même temps, on s’arrange à acheter 2 ou 3 gardians de MAUZAC. On offre 50.000 francs payables la moitié avant l’évasion, la moitié après par billets coupés en deux. Beaucoup de mal avec la femme du gardien qui devait partir avec la bande. Elle leur a créé des tas d’ennuis. Elle voulait la totalité de l’argent avant le départ ; elle manifestait une certaine méfiance à l’égard de Mr. RACHLINE du fait, semble- t-il, qu’il travaillait sérieusement et donnait des ordres. On avait pourtant besoin d’elle.

R. retrouve un jour à Bergerac de grands résistants contents de le revoir. Il leur explique qu’il a quelque chose à faire dans le pays, ne leur serait-il pas possible de l’héberger ?

"Oh ! non tu comprends c’est trop grave, nous avons des charges et des responsabilités terribles" ; leur résistance consistait à parler dans les cafés, à écouter la radio. R. allait ainsi de déception en déception. A part LAMBERT, il ne trouvait pas de gens sérieux.

Il revoit "Le FRISE" qui propose une camionnette garée en face de chez lui, on irait la chercher 1a nuit sans lui demander. D’autre part, la femme du "FRISE" avait une Citroën.

Ça va, qu’ils se préparent à amener les véhicules. "Le FRISE" était très discipliné. On pouvait lui faire confiance pour exécuter les ordres du patron. Le plan devient donc le suivant : il s'agit de faire sortir les gars du camp. On les embarque dans la camionnette qui les conduit dans un coin préalablement cherché. Ils demeureront à l’abri là jusqu’à ce qu’ils aient reçu les papiers pour partir. GOEAU avait dit qu’il s’agissait seulement de les faire sortir, tout le reste était prêt.

On cherche les heures du train à Mussidan. Il y avait un train vers 6 heures du matin, qui leur permettrait d’arriver de manière à ranger la voiture avant le jour. "LE FRISE" tenait un bureau de poste auxiliaire, ce qui était pratique, car on aurait au moins deux coups de téléphone à donner.

Quand tout est prêt Mr R. a un rendez-vous avec Gaby BLOCH, dans une maison amie de Bergerac, celle qui avait fait entier dans le camp pinces, clefs, etc. dans des colis de nourriture. Ce jour-là, elle montre à Mr R. un morceau de journal sur 1equel P. BLOCH avait écrit à l’encre sympathique "j’ai trois enfants comme toi, est-ce que je dois sortir ?" Gaby relit le papier en pleurant : "alors, qu’est-ce qu’il doit faire ?"

  • Ecoute, fous moi la paix, il faut qu’il sorte, moi je te dis qu’il doit sortir.

Encore une complication.

Quant à toi tu vas partir pour Vichy demander une audience à LAVAL pour obtenir la liberté de ton mari. On ne pourra ainsi te reprocher d’avoir participé à 1’opération, puisque tu ne seras pas à Mauzac dans les 8 jours où elle aura lieu. Ils établissent un code pour la prévenir du succès de l'opération. Code établi aussi avec "VIC" que Mr R. doit retrouver à Lyon le lendemain de l'opération.

On Exe l'opération dans la nuit du 14 au 15 juillet, les gardiens qui ne sont pas dans le coup, les gendarmes risquent d'être distraits cette nuit-là. GOEAU avait parlé d'organiser une petite révolte un peu plus loin pour détourner encore mieux l’attention de la police.

Là-dessus, Mr R. envoie LAMBERT passer une journée avec LE FRISE qui vendait aussi des produits contre le doryphore. Il est convenu que la femme eu gardien téléphonera chez LE FRISE ou LAMBERT et Mr R. se trouveront pour dire s'ils sortiront à 2 heures du matin (dans ce cas, elle demandera deux boites de produit contre les doryphores) ou minuit (dans ce cas 12 boites.)

R. a rendez-vous avec la femme du gardien pour lui remettre la moitié des 50 billets. Mais elle fait encore des histoires. Il trouve dans la pièce un type qu'il ne connaît pas, armé d'un pistolet : qu'est-ce que vous voulez ? – "Je suis un ami envoyé par Mr. (sic) MISS HAL". R. n'en avait jamais entendu parler. (Miss HALL dite VIRGINIA, était une américaine accréditée par Vichy comme journaliste. Elle dispensait de Lyon les crédits aux réseaux anglais pour tout le pays sauf peut-être pour le réseau de VIC).

  • "Comment allez-vous faire ? dit le type
  • "Ou bien vous disparaissez immédiatement, lui répond Mr R. ou bien je vous fais votre affaire".

Il prend la femme du gardien et lui dit :"nous on ne rigole pas, vous avez à faire à l’I.S. ; si jamais vous faites la moindre blague, je vous descends, voilà vos cinquante moitiés de billets et nos instructions".

Pendant ce temps, LAMBERT était chez LE FRISE, à quelques kilomètres de Bergerac. On se cachait sous une bâche poux arriver jusqu’à lui. On se cachait encore 24 heures chez lui avant l’opération.

Mr R. retrouve son LAMBERT : ça ne va pas, dit-il, LE FRISE se dégonfle. Un gendarme devait s’arranger pour qu’il n’y ait pas de ronde dans la région au moment du départ. Puis ce gendarme qui était l’amant de la femme du FRISE avait déconseillé l’affaire d’où le dégonflage subit du FRISE ; on le regonfle sans beaucoup de mal.

Deux jours avant l’opération Mr RACHLINE et LAMBERT vont chez "LE FRISE" ; ils avaient déjà repéré le lieu où se trouvait la camionnette, mais découvrent alors combien cette camionnette était petite. Les évadés seront serrés comme des sardines. Ils attendent donc chez "LE FRISE" pendant deux jours et deux nuits. Le dernier jour, ils attendent le coup de téléphone jusqu’à 5 heures du soir : ce sera deux heures du matin.

Entre temps, ils avaient vu les gardiens complices. L’un devait se trouver sur un mirador : les détenus sortiraient du camp entre deux rondes, tout de suite après la ronde. Les organisateurs de l’évasion sont partis eux à I heure du matin, par une nuit très noire. Ils rangent leur voiture dans une carrière proche, "LE FRISE" reste auprès, il doit la mettre en route dès qu’il les entendrait, le moteur demeurait en marche.

RACHLINE et LAMBERT sont à pied d’œuvre à Ih45. Ils attendent. Sur le camp, électricité à Giono, par de grands projecteurs. C’est un premier coup au cœur. Ils avaient pensé à tout sauf à cela : on avait crevé les pneus des bicyclettes du camp, coupé les téléphone.

Ils se cachent dons une fosse en face du camp et attendent. Ils sont frappés par de nombreux bruits : les gardiens des miradors s’interpellent etc. Ils avaient donné rendez-vous à un gardien qui devait couper les Els téléphoniques.

Vers 2h30 un gardien passe, ils sont sur leur garde sortent le pistolet, mais l’autre donne le mot de passe et précise que tout va bien, qu’il faut attendre. Pourquoi ne sont-ils pas encore sortis ?

3 heures toujours rien.

Bientôt "LE FRISE" vient dire qu’il faut qu’on s’en aille à cause de l’auto. Ils se concertent et décident d’attendre jusqu’à 4 heures qui sera la dernière limite pour le jour et pour l’auto à remettre. Vers 3h l/2 4h moins le quart des bruits de pas commencent à se faire entendre. Il était convenu que le gardien complice du mirador chanterait pour couvrir les bruits de fer et de pas. On entend des hurlements de chien, les détenus qui sortent en sabots font beaucoup de bruit, la chanson du El barbelé quand on le coupe, s’apparente à la soie musicale. Dès qu’ils sont sortis du camp avant même d’arriver à la voiture, les Anglais heureux gueulent leur joie, il faut taper dessus amicalement pour arriver à les faire taire. LE FRISE avait apporté de la gnaule, bien utile pour l’attente puis pour les prisonniers. P. BLOCH retrouve son ami qu’il savait là et lui dit que dès qu’il apprit qu’il s’en occupait, il était sûr que ça réussirait.

La camionnette conduit son chargement à 30 ou 40 kms de là dans l’abri indiqué par LE FRISE, chez une vieille femme acquise à la résistance. Ils trouvent là argent, nourriture et tout. Ils doivent demeurer prisonniers dans cet asile jusqu’à ce qu’on leur apporte papiers et moyen de partir pour l’Angleterre.

Une femme du service, DENISE MITRANI, viendra les photographier.

Ensuite, R. et LAMBERT reviennent chez "LE FRISE". Ils rentrent la camionnette dans le hangar d’où son propriétaire ne sut pas qu’elle était sortie. La femme du FRISE les conduit jusqu’à Mussidan où ils arrivent dix avant le départ de leur train. Ils sont un peu inquiets en voyant deux gendarmes sur le quai. Mais ces braves gens ignoraient complètement ce qui s’était passé ; grâce au téléphone coupé, l’affaire ne fut connue en dehors du camp que dans la matinée. Ils vont de Mussidan à Périgueux, sans encombre ; long arrêt à Périgueux, un autre arrêt à Limoges, Mr RACHLINE rencontre un ami qui arrive par derrière et lui tape sur l’épaule, sale impression ! Enfin, Mr RACHLINE arrive à Lyon le lendemain matin, où il a rendez-vous avec VIC. Il avait au préalable envoyé ses deux télégrammes annonçant que les bicyclettes étaient bien arrivées. Il descendit à l’hôtel Dubosc en face la gare en venant du train, très tôt le matin. Il dormit 15 heures durant. Le soir tard il vit VIC qui lui dit : "alors, c’est fait, ils sont partis ? et pas un mot de plus." Il est deux ou trois jours sans contacts, le 3ème jour, VIC le revoit et alors le félicite chaleureusement. ZERAPHA était venu le retrouver à Lyon. Il fallait maintenant chercher des chambres à Lyon pour loger les évadés. ZERAPHA en procure. On met les uns chez GOLDENBERG (Pierre BLOCH et Mr R.) un autre dans la maison de (Madame Crabe) où le frère de Mr R. plus tard devait être arrêté, etc.

En septembre 42, GOEAU BRISSONNIERE fut arrêté pour l’affaire de MAUZAC, car il était l’avocat d’un des détenus. Il dit en gros ce qui s’était passé. Mme RACHLINE fut-elle inquiétée ? On lui demande ce qu’elle faisait avec Mr R. à Mauzac en juillet 42.

L’un des policiers dans les mains desquels se trouvait GOEAU lui passa une fausse carte ; il put ainsi s’évader.

Plus tard, à Londres Mr RACHLINE vit la déclaration au gardien qu’ils avaient fait évader. Il avait romancé à l’extrême l’histoire de ces évasions.

Dans le réseau "VIC"

Après ses félicitations, "VIC" explique que 1’autre jour, il avait à peine parlé à "LUCIEN" pour des raisons de sécurité et lui demande ce que maintenant il voulait faire. Monsieur RACHLINE qui a toujours le même désir de rejoindre DE GAULLE, répond : "Partir en Angleterre".

VIC lui montre qu’il y a du travail à faire en France et le convainc de rester avec lui. Monsieur RACHLINE rentre donc dans ce qu’on est convenu d’appeler le réseau "VIC".

C’était un réseau d’évasion, évasion de France pour l’Angleterre, soit par bateau, soit par avion, soit par l’Espagne, surtout par l’Espagne. "VIC" Et lui-même sept fois le voyage clandestin France-Angleterre pendant la guerre. Pendant ses absences, Monsieur RACHLINE le remplaçait à la tête du réseau.

Le réseau fonctionnait sur toute la France, Paris compris. Sa centrale était à Marseille, rue du Paradis, mais il avait des bases aussi à Lyon, Perpignan, Paris, en Belgique, en Espagne.

Ce réseau avait comme chef des passages, un révolutionnaire espagnol "PEPO”. Au début, tout 1e monde connaissait son adresse de Marseille.

Ils faisaient évader des agents anglais, des aviateurs, des agents français envoyés par le B.C.R.A. Dans cette catégorie, il se souvient de trois clients dont un certain "HENRI".

Monsieur RACHLINE croyait encore que Français et Anglais marchaient toujours ensemble, que les Anglais étaient acharnés à discuter seulement les réseaux français qui n’étaient pas sérieux.

En fait, il y avait un grand quiproquo. Les agents anglais ne voulaient pas avoir à faire à eux ; mais les ordres étaient toujours transgressés et les agents des services français et anglais étaient copains entre eux. On ne pouvait point dans la vie clandestine suivre minutieusement les règles établies. Quand, en Angleterre, Monsieur RACHLINE a été professeur dans une école d’agents secrets sur les questions de sécurité, il a indiqué des principes et des marches à suivre qu’il n’a jamais suivies lui-même. Quelque fut leurs services, les agents s’aidaient mutuellement.

Entre temps Monsieur RACHLINE avait rencontré BENOUVILLE et FRENAY des services français (Monsieur RACHLINE note à propos de BENOUVILLE que 1a réponse de "CARTE" à son livre est absolument exacte). Il avait rencontré BENOUVILLE d’abord quand lui-même travaillait avec "CARTE", ils ne connaissaient pas encore "CARTE" (guerre ensemble avec BENOUVILLE).

Quand il le rencontre à nouveau, et s’entretient longuement avec lui, Monsieur RACHLINE commence à se rendre compte qu’il y a une différence entre services anglais et services français et il désire ardemment rejoindre les Français. Il propose aussitôt de laisser tomber son réseau anglais. BENOUVILLE lui dit qu’il sera plus utile pour tous qu’il y reste . On était au début de 43, son service marchait bien, liaison radio, armes, refuges, amis prêts à aider, fabricant de soierie à Lyon.

Il aurait pu faire beaucoup pour la France libre.

Au titre de ses fonctions auprès de "VIC" Monsieur RACHLINE fut amené à envisager 1’évasion de Léon BLUM. "VIC" était d’accord. Monsieur RACLLINE avait vu Daniel MEYER qui en avait parlé très sérieusement à 1’avocat de BLUM, SPANIEN. LE TROQUER n’était pas dans le secret. Monsieur RACHLINE avait rencontré chez Daniel MEYER Mme BLUM qui voulait partir en Angleterre.

Après Mauzac rien ne semblait plus difficile à Monsieur RACHLINE avec de l’argent. Il envisageait donc avec optimisme la sortie de Léon BLUM des mains des policiers français ; mais on ne pouvait songer ensuite à lui faire traverser l’Espagne. Il lui fallait un départ en avion, donc des moyens importants.

"VIC" partit pour Londres avec comme principal objectif d’obtenir des moyens et la permission de faire évader BLUM. On savait pouvoir le faire venir dans une maison proche d’un terrain commode. Tout était combiné quand "VIC" rentra en déclarant que Léon BLUM n’était pas sur la liste des "personnes autorisées".

Daniel MEYER a fait courir le bruit après la guerre que c’était Monsieur RACHLINE qui n’avait pas voulu faire partir BLUM. Monsieur RACHLINE prit "VIC" avec lui et alla s’expliquer dans son bureau de ministre du travail.

Par contre, on pouvait faire évader HERRIOT qui lui n’en avait aucune envie.

Autre exemple du travail de Monsieur RACHLINE dans le réseau.

Un jour, Monsieur RACHLINE reçoit un télégramme de Londres lui disant exactement de contacter Monsieur PERDRIX, rue du Tapis Vert à Marseille.

Il envoie un de ses agents peur prendre contact ; il revient en disant que ça ne colle pas du tout ; il s’agit d’un hôtel borgne où il n’y a point de Monsieur PERKDRIX. Mais on découvre qu’il y a bien eu là une demoiselle PERDRIX.

Elle est malade, à l’hôpital. On conclut qu’elle est en prison et l’on envoie un télégramme à Londres : Avons mauvaises nouvelles de PERDIX, que frire ? Les faire évader, nous attachons 1a plus grande importance à la dite PERDRIX qui vous mettra en rapport avec trois personnes.

Monsieur RACHLINE va lui-même à 1’hôtel, parle de PERDRIX. L’hôtelière lui dit : Mademoiselle PERDRIX est chez le coiffeur, elle sort de l'hôpital (c’était vrai !). Il se dirige vers le coiffeur, boutique infecte odeurs infâmes, demande à une cliente : "Etes-vous Mademoiselle PERDRIX, oui ; j’ai besoin de vous parler. Elle était sous le casque ; elle sort, assez affolée. "Connaissez-vous le tailleur ? "Elle devait répondre "Oui" celui qui fait les pantalons, mais dit d’abord non. Monsieur RACHLINE insiste. Elle se souvient :"Ah oui". Elle l’emmène dans un autre hôtel borgne. Monsieur RACHLINE s’attendait à trouver des gens très importants. Il reste sur le palier de l’escalier. C’était un dimanche matin. Il voit un homme qui se rasait au robinet. Il est un peu étonné. PERDRIX s’adresse au type : "HENRI", il y a un mec là pour toi. Tu sais le pantalon"

  • "Dis-lui qu’il entre."

Monsieur RACHLINE entre, trouve le type au lit, à poil un magnifique garçon.

  • "Te v’la – c’est bien toi, "LUCIEN" ? Oui.
  • "Il y a deux mois qu’on t’attend"
  • "Et les deux autres" ? - Tout le monde est là, donne d’abord 1’argent".
  • "Comment avez-vous vécu jusqu’ici ?"
  • En faisant le maquereau".

HENRI et les deux autres étaient des saboteurs envoyés par le B.C.R.A. Ils étaient sous les ordres du Colonel BILLOTTE qui était un peu le Mountbatten français. Ils étaient revenus avec lui de Russie. Ils avaient fait sauter radio-Paris, tué un certain nombre d’Allemands.

Il fallait les renvoyer à Londres avec (illisible) (GOEAU-BRISSONNIERE) et un Belge (d’où contacts avec un groupe belge). Un télégramme de Londres donnait le passage d’un bateau à une certaine heure G.M. T. à un point de longitude et de latitude fié à l’avance, près d’Hyères. On devait se trouver dans tel rocher. On ferait des signaux blancs, le bateau répondrait avec des signaux bleus "VIC" arrive entre temps. Ils repèrent le coin. Ils ont marché une journée et demie pour trouver le point. Ils sont venus là avec leur bande. Pendant trois jours et trois nuits, ils ont été bouffés par les moustiques. Ils ont vu les signaux, mais le bateau n’eut pas venu. Un Anglais étranger au réseau (Il a su plus tard à Londres qu’il s’agissait de BODDINGTON, des réseaux BUCKMASTER qui était sur le bateau disait au Commandant de ne pas s’arrêter pour trois personnes, il l’a écouté. Les trois types sont donc partis par 1’Espagne. Plusieurs autres, aviateurs en particulier fuient envoyés aussi, en particulier, le petit fils de FOCH (47-48 ans) qui lui a causé bien des tracas. Il s dû 1’heberger dans trois ou quatre maisons avant de le faire partir ; ces hôtes étaient des anciens de la L.I.C.A qui avaient procuré des "Self-houses" fournissant home et nourriture sans un sou. Il passa ainsi chez Simon GOLDENBERG à Lyon, MILENER-GOURAND à Marseille etc. chez KRISKOVSKI français depuis trois ou quatre générations. A la suite de l’attente des trois nuits, ils furent soignés chez KRISKOVSKI comme des coqs en pâte, facilités que tout le monde n’était pas disposé à offrir à 1’époque.

Monsieur RACHLINE accompagne le petit-fils de FOCH jusqu’à Perpignan dans une maison tenue par Denise MITRANI (voir son livre "Service d'évasions") Le petit-fils de FOCH avant de partir lui dit : Voyez-vous, "LUCIEN" tout cela est bien. J’espère que nous aurons la victoire. Pourvu qu'alors les Youpins ne reviennent pas.

Pour 1’hébergemant, ils furent très aidés par DENIS (un peu antisémite lui aussi) le père et le fils qui furent magnifiques pour eux. DENIS était directeur d'un petit bureau de poste à Lyon. Il servait de poste restante dans sa maison, il hébergeait des gens ; en particulier il hébergea le frère d’Erol FLYNN qu’on appelait "HOLLYWOOD" et trois ou quatre autres Anglais et bien d’autres personnes.

Parmi leurs hôtes, il y eut ces gens qui ne savaient pas un mot de français ; des types impossibles des services secrets ou des commandos qui voulaient aller se balader à Lyon.

Le père DENIS et son fils devaient être suppliciés, l’un devant 1’autre sans parler. Tous les deux furent tués par les Allemands, la femme est devenue folle après avoir été déportée.

Ils avaient toujours eu la prudence de ne rien garder chez eux de compromettant pour assurer les meilleurs conditions d’hébergement. Or des résistants du "Coq enchaîné” venus quelques jours avant leur arrestation avaient, sans leur dire, caché des mitraillettes dans un canapé ; ce qui aggrava singulièrement leur cas.

Quand des Anglais étaient ainsi hébergés en attendant un départ on leur interdisait de sortir seuls. Monsieur RACHLINE les faisait sortir lui-même ou bien c'était Madame BL0CH qui faisait tout ce qu’on lui demandait ; elle était très bien. L’un d’eux, alla un jour seul dans un bistrot au moment du départ, des Français l’ont vendu à la Gestapo puis il s’évada de la Gestapo et leur revint ; il le fait partir par l’Espagne pour Londres où on lui infligea trois mois d'arrêt pour son indiscipline. Il y avait des gars qui restaient enfermés trois semaines en attendant leur départ.

En Novembre 1942, Monsieur RACHLINE s’occupa "d’OLIVE" l’agent qui remplaçait "RAOUL" (PETER CHURCHILL) et de sa maitresse "LA ROUSSE". Il avait commencé à prendre des contacts avec la prison de Montluc où était enfermé "OLIVE" avant l’arrivée des Allemands en Zone Sud. Il le fait évader en faisant peur aux gardiens. Ils ont cédé grâce surtout à l’action de "LA ROUSSE" ; le réseau prend alors en charge "OLIVE" et sa maîtresse, on réunit les "Amants terribles". A un moment donné, il se casse 1a jambe. Monsieur RACHLINE l’héberge chez des amis, chez "ARLETTE " Henriette LEVEQUE qui tenait un salon de coiffure à Lyon, endroit épatant, où "LA ROUSSE" est reçue en même temps. Ces agents anglais étaient terribles.

Un soir Monsieur RACHLINE dîne avec sa femme chez "ARLETTE" en compagnie de "LA ROUSSE" ; avant-guerre il était un homme riche. Sa femme avait toujours de beaux vêtements, de beaux bijoux et avait encore une belle tenue pendant la guerre. Après leur départ, "LA ROUSSE" dit à "ARLETTE"

  • " Combien vous donne "LUCIEN" pour votre entretien ?
  • " Mais rien, je peux le faire pour l’honneur "
  • " Alors, c’est qu’il garde l’argent pour acheter des bijoux à sa femme. "

"ARLETTE" qui aimait bien "le patron " était si furieuse de ces propos qu’elle voulait les mettre dehors. Monsieur RACHLINE lui montre que c’est le fait d’une jalousie bête, qu’il ne fallait attacher aucune importance à ces propos et faire comme si rien n’était.

A "LA ROUSSE", il dit qu’elle n’avait pas à s’occuper de la façon dont marchait le service lui n’était pas content de tout l’argent que demandaient les agents anglais, jusqu’à 60.000 Fr s par mois, alors qu’aux Français, on ne donnait rien (sauf les frais de service).

Elle répond que ni elle, ni "OLIVE" ne sont sous ses ordres. Mon mari est officier anglais, vous vous êtes un mercenaire.

Monsieur RACHLINE : vous êtes actuellement sous ma protection. On retrouvait cet état d’esprit chez certains agents anglais à l’égard des Français.

Les gens de Mauzac sont revenus. En particulier, LANGELAAN qui n'était pas ma1.

C’était l'ami du journaliste alsacien chez lequel le frère de Monsieur RACHLINE fut arrêté. Monsieur RACHLINE les a revus. Il a aussi retrouvé à la fin de son séjour en France, l'un des "trois mecs" revenus travailler et HENRI en Espagne. (Illisible) ils ont raté leur coup ; ils avaient beaucoup de fric et l’auraient mis à gauche.

En dehors de LANGELAAN, a reçu d’autres agents de la même. Il les hébergeait au début de leur séjour en France.

Monsieur RACHLINE reçoit un jour l'ordre de prendre contacts à Paris avec un "CANARDEL", Français, 10 rue du Bois de Boulogne. Les CANARDEL, Français, étaient des gens épatants chauffeur et femme de chambre de "VIC" et sa femme, avec lesquels Monsieur RACHLINE était en rapports constants.

Ils offraient refuge à "VIC" à Paris, en même temps qu'ils étaient ses distributeurs de fonds. Quand Monsieur RACHLINE arrive à Paris pour prendre contact, CANERDEL et un autre type sont déjà arrêtés. Ils ont parlé au bout de cinq ou six jours suivant les ordres reçus ; les Allemands par une chance extraordinaire, les relâchent à condition qu'ils viennent chaque jour pour dire qui venait rue du Bois de Boulogne. Le jour même où ils sont sortis de Fresnes, ils sont partis, comme ils devaient vers l'Espagne et sont passés sans reprendre contacts avec le réseau, sans avoir repris aucun contacts à Paris (la femme de CANARDEL était originaire du pays Basque). Quand on reçut le télégramme de Londres annonçant leur arrivée, on fut plutôt stupéfait. Cs braves gens avaient tout abandonné sans hésiter.

Ils avaient les adresses de Lyon, de Marseille. Ils n’ont voulu revoir personne pour éviter de se compromettre. Il y avait six millions chez eux appartenant au service : l’Allemand qui avait trouvé l’argent a préféré garder le fric et laissé tomber l’affaire.

Monsieur RACHLINE est prévenu en une autre occasion de l’arrivée de deux avions qui amenaient des agents anglais seulement à réceptionner ; c’était "GILBERT (DERICOURT) aviateur qui s’occupait de terrains ; les avions devaient emmener "VIC" et Gaby BLOCH et le commandant LEGENDRE du B.C.R. A., qu’il fallait faire partir avec un pianiste anglais et sa femme. (Ce radio dans une autre mission a été pris et fusillé).

Monsieur RACHLINE avait donné rendez-vous à Gaby à Lyon pour son départ. Lyon pour son départ. Elle était venue le voir une première fois. Il la fait prévenir qu’elle doit revenir deux jours après. Il fallait être là le premier jour pour l’avion, elle arrive le troisième : elle ne pouvait partir avant que son tailleur ne fût terminé !!!

Ils vont contacter un type à Paris, puis à deux cents kilomètres de Paris, il devait trouver un type à foulard jaune. Ils ne le voient pas. Ils sont descendus dans un petit hôtel, arrangent une petite histoire sentimentale, puis disparaissent le plus vite possible. A six heures le porte de l’hôtel est fermée, ils cherchent un moyen de sortir et arrivent dans la cour : des Allemands sont en train de se laver. On leur demande où est le patron ; ils l’appellent.

  • "Vous habitez là ?"
  • "Oui, nous sommes la Gestapo"

Ils reviennent à Lyon, repartent par 1e train vers Hendaye. Au moment où les Allemands ont franchi 1a ligne de démarcation, c’est Miss HALL qui détenait la plupart des ressources anglaises : argent, papiers etc....

Elle est partie à ce moment-là. Les Allemands l’ont recherchée dès leur arrivée. Elle avait une secrétaire "Germaine" jolie fille, plus ou moins propriétaire d’un bordel à Reims. Elle cherchait à joindre Monsieur RACHLINE : "Virginia" lui avait dit de tout remettre à "LUCIEN" - "VIC" était alors en Angleterre ; tous les services anglais plus ou moins désorganisés, par le fait du départ de "VIRGINIA" et de la pénétration allemande en zone sud.

Monsieur RACHLINE était très connu. Plusieurs personnes avaient son adresse de Marseille et son adresse chez Mme "MITRANI", 2 Place Bellecourt à Lyon. "GERMAINE" le retrouve par "NICOLAS". Ce "NICOLAS" avait succédé à "ALAIN" qui assurait la liaison avec le "Coq Enchaîné". "NICOLAS" travaillait déjà avec Monsieur RACHLINE. Un jour, un agent anglais "SHEPPARD" arrive, est pris par le Gestapo et il est arrêté. Ayant simulé une maladie, il est transféré à 1'Antiquaille ; on contacte deux religieuses de l'infirmerie ; on a un flic dans la main, on organise son évasion ; première tentative NICOLAS et Monsieur RACHLINE avaient ce plan, ils venaient à plusieurs avec des pistolets et ils 1'enlevaient. On recrute quatre ou cinq types, on prépare la mise en scène. Le soir choisi pour l'opération, les types arrivent complètement ivres. Ils devaient opérer à minuit. Mais Monsieur RACHLINE n'a nulle envie d’entrer à l’Antiquaille avec des hommes en cet état qui auraient tiré au premier bruit. Il leur demande d’attendre, puis revient en disant que de l'autre côté quelqu’un les a vendus ; il y a une police considérable ; il dit à ses sous-ordres, sortes de bandits qu'il leur fera signe une autre fois.

Sur le chemin du retour, ils voient arriver des Allemands qui devaient frire leur ronde ; NICOLAS et Monsieur RACHLINE se séparent. Les Allemands arrêtent Monsieur RACHLINE, le fouillent, regardent ses papiers. Il avait déposé son arme un peu auparavant. Pendant ce temps, NICOLAS fuit au pas de gymnastique. C’était un coureur émérite. Il oblige ainsi les Allemands à le poursuivre. Monsieur RACHLINE va rechercher son Colt et file. Il va porter son arme chez un type aujourd’hui commissaire de police à ROANNES, CHABOUD, alors inspecteur du deuxième arrondissement de Lyon qui a bien ri de l’aventure manquée. Il retrouve le lendemain "NICOLAS" avec 1a plus grande joie.

Ils recommencèrent l’opération quelques jours plus tard et la réussirent, mais SCHEFFER (en fait SHEPPARD) n’eut pas le temps de prendre ses affaires, et on 1e sortit en chemise !

Monsieur RACHLINE a aussi été en rapports avec Henri MENESSON un agent anglais qui avait un poste radio à Vichy. Il était en liaison avec le Ministère de l’Information et devait devenir fonctionnaire de Vichy. Il allait le voir au Secrétariat général du Secours National à Lyon. Après le départ de "VIRGINIA", c’est Monsieur RACHLINE qui 1a remplaça.

"GERMAINE" française habitait à Lyon une maison qui lui appartenait Monsieur RACHLINE habitait sur le même palier qu’elle. Il pouvait communiquer d’une chambre à l’autre. "GERMAINE" est devenue la secrétaire de "LUCIEN".

Il avait à faire partir à Londres les "TWINS" deux acrobates, l’un grand et l’autre petit ; plus un agent "Eugène 53", pianiste (chargé des émissions radio).

Les Allemands sont venus chez "GERMAINE" pour chercher Monsieur RACHLINE qu’ils pensaient trouver chez elle. Il était dans la pièce à côté et entendait tout. -"Où est "LUCIEN" ? -" Connais pas "

-"Si vous dites pas, on vous emmène "

Elle ne dit rien et fut déportée. (Rentrée)

Les "TWINS" lurent arrêtés, l'un d’eux, s'est jeté du quatrième étage de la Gestapo de Lyon et n'eut pas trop de mal. L’autre s'étant évadé aussi vient le soir chez Monsieur RACHLINE. Il voulait le tuer, 1e croyant responsable de 1'arrestation de "GERMAINE". Enfin, il comprit qu'il n'en était rien et rangea son pistolet. Monsieur RACHLINE le fit partir avec "Eugène 53" par l'Espagne; ils sont bien arrivés.

Monsieur RACHLINE était alors recherché de tous les côtés. Il était venu voir "NICOLAS" chez un certain "MARCHAND" 4 ou 44 quai de Perrache à Lyon, pour y chiffrer ou déchiffrer un télégramme. Il n'avait jamais habité là. Ce "MARCHAND" fut arrêté et déporté. Les deux religieuses qui avaient facilité l'évasion de "SCHEFFER" (en réalité SHEPPARD) furent arrêtées. On sentait la menace partout.

On attendait un nommé "FRANÇOIS", un organisateur annoncé par les Anglais. Malgré le télégramme envoyé à Londres sur l'arrestation de "MARCHAND" ce "FRANÇOIS" descend chez lui. Le lendemain matin à six heures, la Gestapo le cueille, croyant que c'était "LUCIEN"; Mme "MARCHAND" a couru tout Lyon pour faire savoir à Monsieur RACHLINE combien on 1e recherchait.

Il va à Marseille, Paris, Cannes, Monte Carle pour brouiller les pistes.

Quand "VIC" revint après l’affaire "SCHEFFER" (SHEPPARD), il se montra très mécontent parce que Monsieur RACHLINE avait agi sans ordre. Plus tard à Londres, les Anglais devaient lui dire qu'il méritait de recevoir les plus brutes décorations puis d'être fusillé pour avoir agi sens ordres. Ils attachaient un très grand prix à 1a sécurité.

Monsieur RACHLINE avait de sa propre initiative organisé un petit réseau de renseignements avec ZERAPHA. Il se servait comme relais de MOYON, préfet de Marseille chez qui, il laissait papiers, tampons, argent. Il utilisa même son appartement et ceux de ses amis. En Mars 43, "VIC" et Gaby arrivent à Marseille et veulent aller dans la maison de rendez-vous de Monsieur RACHLINE. Des gens sont auprès qui leur disent : "LUCIEN" est recherché, n’entrez pas. Ils iront chez les MOYON : c’est terrible, on recherche "LUCIEN" avec une femme blonde. C’est certainement vous, dit-il à Gaby BLOCH. Que faire de vous ? MOYON emmène "VIC" et le loge dans l’appartement de l’Intendant de police où ils passent la nuit.

Parmi les renseignements reçus à cette époque, certains étaient très intéressants. Les Français envoient des bateaux à Dakar dans lesquels sont camouflées des mitrailleuses. MOYON (à la main, L.R. a écrit : "non") donne liste des armes, endroits où elles sont cachées, noms ces capitaines. On arrête le tout à Gibraltar : stupéfaction des intéressés. (Félicitations de Londres pour cette affaire).

Monsieur RACHLINE recevait aussi des renseignements précieux par GALIMAND (accompagné d’un toubib, chirurgien du Havre). Il a obtenu les numéros des voitures radio allemandes changées de repérer les postes de transmission vers Londres. Ils parent les indiquer aux Français menacés. Ils devaient organiser une expédition pour faire sauter ces voitures réunies à la Charbonnière près de Lyon. Quand l’expédition fut prête les voitures avaient été mises ailleurs. Il reçut aussi des renseignements sur les viseurs d’avion.

Quand il était à Paris, Monsieur RACHLINE transmettait ses propres télégrammes par "GILBERT". A Marseille il transmettait au début par "CARTE", puis par les agents du réseau "GILE et GISELE". A Lyon, par "GREGOIRE LECHENE" anglais arrêté au début de 43 à Toulouse par "EUGENE 53" et d’autres. Un autre "EUGENE" (Anglais) était le chef du réseau pour 1a région de Toulouse ; il travaillait avec le |frère de Monsieur RACHLINE et le radio "URBAIN". Cet "EUGENE" avait travaillé à l’Ecole Vétérinaire de Toulouse. Quand l’armée de 1’armistice fut dissoute, son groupe a barboté et sauvé des dépôts d’armes. "EUGENE" le frère de Monsieur RACHLINE, "URBAIN" devaient être fusillés par les Allemands.

Durant cette période, ses rapports avec les mouvements français furent très épisodiques. Il rencontre BENOUVILLE, SADOUL communiste, des tas de gens qui lui disent que pouvez-vous faire pour nous, il nous faut de l’argent, des armes. On essayait d’avoir des contacts aussi éloignés que possible à cause de l’importance de l’Agence COOK qu’il aurait fallu pour satisfaire tout le monde.

C’est par BENOUVILLE que Monsieur RACHLINE avait connu HARDY, REX était venu le voir Il lui avait laissé une boîte d’allumettes, n’a jamais su pourquoi ; ça voulait dire quelque chose.

Puis, c’est pour faire partir GABY, le train où le salue HARDY, son arrestation, son évasion.

A Paris, il est hébergé par un garçon charmant nommé BARNEL. La première fois qu’il était venu en France il avait laissé dans ses vêtements les marques des maisons anglaises d’où ils sortaient. Il lui servait de garde du corps.

  • A-t-il eu des rapports avec le deuxième bureau français ?
  • Oui, par Paul RUDZETSKI. Mais il n’y croyait pas. Ces gens étaient terriblement touchés. Monsieur RACHLINE avait du mal à comprendre et à croire qu’on pouvait à la fois servir les Allemands et les Alliés. Il leur a donné des renseignements qui ne pouvaient révéler en rien l’organisation. Monsieur RACHLINE ne pense pas qu’aucun des services de Vichy ait vraiment travaillé contre les Allemands, ils ont donné quelques renseignements sporadiques.

Monsieur RACHLINE eut à toucher des personnalités politiques au sujet de leur évasion :

JOUHAUX : il était déjà arrêté.

HERRIOT : il va le voir et voit surtout sa femme et son beau-frère, médecin. On avait tout préparé pour faciliter son évasion qui était souhaitée. Madame HERRIOT "Mais pourquoi voulez-vous le faire partir ?"

  • "Il pourra être utile à la France. Il règlera l’affaire GIRAUD-de GAULLE.

Mais le Président ne peut pas. Il doit penser à sa sécurité (ce qui l'avait le plus outré, le Président, sous le régime de Vichy, c’est qu'étant le président des pêcheurs du Rhône, on lui ait enlevé cette Présidence ! voilà ce qui l'avait le plus touché).

  • Monsieur RACHLINE - Les Allemands vont l'arrêter, l'envoyer en Allemagne
  • Vous croyez, mais il n'a pas fait de politique depuis vingt ans. Il n’est que président de la Chambre.
  • Le beau-frère – "S’il part tous les biens de 1a famille seront confisqués"

Le Président : il lui fallait des lettres indiquant que c’était DE GAULLE, CHURCHILL et ROOSEVELT qui tous les trois l'appelaient

  • Monsieur RACHLINE - Où bien les Allemands gagneront et de toutes manières vos biens seront perdus, ou bien ils perdront et vos biens ne seront pas perdus.

Il habitait un septième ou un huitième étage, sans ascenseur. Monsieur RACHLINE fut bien déçu et de la famille et du Président. Quand à Lyon, il y eut une cérémonie en l’honneur de son frère, le même HERRIOT se jeta dans ses bras !

C’est le service de Monsieur RACHLINE qui fit partir GOUIN. Histoires avec Jules MOCH : il exigeait un avion pour lui et sa femme, HASS PICQUART, une secrétaire, etc.

Ce n’était vraiment pas possible. Il est parti plus tard comme personnalité.

Avec André PHILIPP non plus, ça n’a pas marché. Pourtant les propositions du réseau "VIC" étaient sérieuses et son fonctionnement excellent. L’ayant vu à l’œuvre, Monsieur RACHLINE plus tard revint et repartit par ses services ayant beaucoup plus confiance en ses filières qu’en celles du B.C.R.A., simplement parce qu’il les connaissait, non qu’il eût des sujets de méfiances pour les réseaux du B.C.R.A.

Monsieur RACHLINE poursuit ses efforts pour faire partir Madame BLOCH. Après l’échec aux environs de Paris, ils se dirigent vers Angers. Dans un petit village, ils sont sept huit dons un hôtel. Ils attendent l’arrivée de l’avion. Ils remarquent que des bombes ne tombent pas loin du terrain. La troisième nuit deux avions amenaient des agents anglais que Monsieur RACHLINE devait reprendre en charge ; ils apportaient chocolat, thé, armes que Monsieur RACHLINE fit enterrer. Il n’avait pour lui qu’un pistolet et n’en demandait pas plus. On faisait remettre les armes aux gens de l’action. Monsieur RACHLINE ne voyait pas sans amertume la nécessité de se balader avec ça à droite et à gauche pour les remettre aux gens qui auraient bien pu venir les chercher On voulait éviter les rapports entre les différents réseaux, ils étaient fatals. Ainsi, un jour, le docteur HANON vient voir Monsieur RACHLINE à Marseille. Il venait chercher deux postes pour Toulouse, le lendemain n’ayant pas trouvé, il finit par le dire à Monsieur RACHLINE qui lui donne ces postes.

Le Colonel HUMPHREYS, fils d’un diplomate était le chef à Londres du réseau "VIC". Il prétend avoir quitté le service pour entrer dans une maison d’exportation !

Un jour, un Anglais, frère de "GREGOIRE" vient voir Monsieur RACHLINE à Marseille ; il était hôtelier en France avant la guerre dans les Ardennes. L’Etat-Major français habitait non loin de chez lui. Monsieur RACHLINE lui demande s’il ne fait pas partie du service. Non, il ne s’en occupe plus. Il se consacre à ses affaires hôtelières. Il l’emmène dans un bistrot du port, appelle le patron pour lui offrir une fine. Il avait un drôle d’accent. Bien sûr, c’était un agent anglais. Il avoue que sa valise est pleine d’explosifs qu’il ramène d’Angleterre. Tout le monde a ri.

Quand la femme de "GREGOIRE" vint par là c’est Monsieur RACHLINE qui l’hébergea. Pas plus pour les Anglais que pour les Français, les cloisonnements étanches n’étaient possibles.

Après cet atterrissage, Monsieur RACHLINE revient avec ses agents qu’il disperse dans 1a nature. Quant à lui il se dirige vers Aix-les-Bains. On le prévient que sa photo est dans la main de la Gestapo. On l’a montrée à un secrétaire arrêtée qui a pu prévenir.

Arrivé à Aix, il apprend que ses domiciles de Lyon et de Marseille sont brûlés. Ça va très mal. A ce moment, il pense à partir pour Londres.

Son adjoint, Henri LEVIN "GEORGES" que GABY lui avait envoyé travaillait très bien. Elle l’avait connu avant-guerre. Il était resté à Villemblard, près des BLOCH jusqu’à l’arrivée des Allemands. Après un stage à Londres il était rentré en Décembre 1942, et jusqu’en Juillet 1943, fut initié à tous les contacts.

Il y avait seulement deux personnes qui connaissaient l’adresse l’une de l’autre. "VIC" et Monsieur RACHLINE, les autres, même l’adjoint ne les connaissait pas. Quand "VIC" revenait d’Angleterre, pendant quelques jours, il se méfiait, prenait des précautions. Les Anglais avaient un souci extrême de 1a sécurité : un agent mort ne sert à rien. Les premières leçons qu’on donnait aux agents étaient des leçons de sécurité. Il y eut des agents anglais qui sont restés deux ans en France sans rien faire, à attendre les ordres. Leur mission était d’attendre.

Alors Monsieur RACHLINE reçoit un télégramme de Londres : rentrez. Il réunit les gars des passages et leur dit : Attention, cette fois c’est moi qui passe. Il était alors chez Marcel BLEUSTEIN qui leur a rendu pas mal de services. Il l’emmène. On devait lui envoyer un avion ; aux yeux des Anglais, il n’y a jamais rien de trop pour les agents anglais. On le savait menacé.

Le 18 Juillet 1943 ils partent tous les deux plus deux agents belges ou hollandais, par leurs filières. Avant de partir, ils envoient deux cobayes pour bien assurer leur départ. Ils craignaient d’être arrêtés par les Allemands ou livrés à eux par les Espagnols, entre autres, un fils de LEVITHAN (son autre fils devait être tué). Ils devaient passer comme lettres à la poste. Le consul de Hollande à Perpignan qui pouvait encore téléphoner en Espagne faisait savoir si les gens étaient bien arrivés. Quand le consulat de Barcelone lui téléphonait "les petits chiots sont bien arrivés" tout était fini.

Avant de partir lui-même, Monsieur RACHLINE voit arriver à Marseille Henri, le Mec avec deux autres types. Il doit les faire partir ainsi que l'agent de Marseille FARAGGI avec eux. Ils n'attendaient pas la résultat radio pour payer les passeurs. Le chef de l'expédition à chaque passage emportait la moitié d'un billet qu’il remettait au guide une fois que l'expédition était bien arrivée à Barcelone. Quand le guide rapportait cette moitié de billet on le payait. S'il y avait eu des histoires, le chef devait déchirer le billet. Le service de "VIC" maniait des fonds importants : on donnait cent raille balles par type au guide mais en Espagne, une camionnette venant de Barcelone devait prendre 1es gens à la frontière. Quand il y avait un mois d'interruption dans le service, on avait deux millions de frais pour payer les guides afin qu'ils ne s'occupent pas d'autre chose. Ils ne travaillaient pas uniquement pour l'idée ! Quand "PEPO" faisait ses comptes, Monsieur RACHLINE payait. S'il y avait une erreur, il faisait semblant de ne pas comprendre. Deux cent types sont passés avec ce "PEPO" sans qu'il n'y eût aucune arrestation. Les Anglais ne regardaient jamais à l'argent dans le service. Par contre dès que les agents arrivaient à Gibraltar, ils étaient rationnés et ne devaient pas dépenser plus d'une livre par jour. En France, ils auraient demandé cinquante millions pour assurer leur sécurité, qu'on leur eût accordés. Pour HERRIOT, on avait parlé de mettre à leur déposition vingt millions pour acheter voitures, flics...

Quand à Londres, Monsieur RACHLINE dit navré au colonel HUMPHREYS qu’il avait perdu ses comptes, mais pouvait les reconstituer il lui explique que cela ne faisait rien, c'était une question de confiance. Il croit que les officiers anglais ne rendaient jamais de compte, ce qui valait mieux pour la sécurité.

Son frère avait ses comptes sur lui quand il fut arrêté, ce qui 1’a condamné à mort.

Voyage vers Londres

Tout va bien jusqu'à l’Espagne. Là, les guides espagnols annoncent que la veille ou l’avant-veille, la voiture venue chercher les gens avait été arrêtée à cause d’un trafic de saccharine qui se faisait par les guides. La police cherchait les contrebandiers (les billets avaient imprudemment été réunis par les partants avant de monter dans la voiture).

Leur voiture fut effectivement arrêtée deux fois en France par les Allemands, tout se passe bien. A la troisième reprise, ils croient que les choses vont se passer de la même manière, mais non. Les guides leur crient de descendre "vite, vite, les Allemands vont arriver". Ils se sauvent, suivent les guides et se retrouvent en Espagne.

(Voir récit dans le livre de Marcel BLEUSTEIN "Sur mon antenne Paris"). Ils attendent trois ou quatre jours puis partent jusqu’à Figueras ou ils avaient une maison relais. L’Espagnol n’avait pas su faire comprendre que la maison était prise aussi.

Ils furent arrêtés à deux kilomètres et emprisonnés pour trois mois à Figueras. Le consulat de Barcelone fut avisé que le commandant SMITH (BLEUSTEIN) et le commandant BEVERLEY (RACHLINE) étaient là. Les Anglais faisaient savoir sous quel nom on devait entreprendre le voyage. Ils avaient des conventions avec les Espagnols : tant d’agents récupérés tant de cargaisons de blé. Il y avait des périodes où les Espagnols délivraient tous les civils, d’autres tous les évadés militaires. A son époque, leur sollicitude portait sur les officiers pilotes canadiens tombés en France. On arriva à mettre petit à petit les échanges au point.

L’attaché militaire du 1’Air à l’Ambassade de Madrid recevait du Consulat de Barcelone la liste de tous les officiers aviateurs évadés suivant les conventions.

Dans les services français, on n'avait pas les mêmes possibilités.

Monsieur RACHLINE et BLEUSTEIN pensent donc n’être que pour huit jours à la prison de Figueras. A la Sécuritad, BLEUSTEIN déclare à l’interrogatoire, moi je suis avec mon capitaine. Lui : De quel avion tombé ? Secret militaire, quel endroit ? Secret. Demandez à mon consul de venir, s’il me délie de mon serment, je veux bien vous le dire. Le type disait alors qu’il n’était pas franquiste, qu’il y aurait peut-être une combine, qu’il pourrait leur être utile.

Quand on arrivait dons une prison espagnole, on avait une fiche à remplir comprenant nom du père, de la mère. Les agents devaient faire commencer le nom de leur mère par 0’. C’est là une de ces conventions que Monsieur RACHLINE jura de ne jamais révéler, en quittant le service. (Ne le précise ici que parce que le texte n’est destiné à être connu que dans cinquante ans. N’en a jusqu’ici jamais parlé). Le consul anglais vint les voir, au grand étonnement des autres prisonniers qui trouvent ces deux pilotes bien privilégiés. Il y avait au consulat anglais un agent du l’O.S. qui s’occupait des prisonniers. Le consul leur remet cigarettes, argent, et leur assure, à travers les barreaux que dans huit ou dix jours ils seront sortis du là.

Ils devaient contre toute attente rester dix ou douze semaines. Raison : du moment même où ils sont au rivés en Espagne, un drame éclata. Les Espagnols étaient très mécontents que des agents anglais passent pour des aviateurs. Quand 1’Espagne voulait obtenir des avantages complémentaires de 1'Angleterre, elle arrêtait la combinaison. On faisait venir 1’attaché militaire : vous allez nous donner votre parole d'honneur que vous ne ferez désormais sortir que de vrais aviateurs pas d'agents. C'est ce qui s'est produit au moment du passage en Espagne de Monsieur RACHLINE. L’attaché militaire avait donné sa parole d'officier. Les argents pouvaient attendre. On ne trouvait pas le moyen de les sortir de là. Les Anglais dépensaient pourtant beaucoup d’argent pour eux. Ils finirent par acheter le médecin de la prison qui découvrit une tumeur à Monsieur RACHLINE et un ulcère à BLEUSTEIN. On les sort pour les conduire en quelques sanas, en fait tout droit à Madrid et de là à l'Ambassade. Le lendemain ou le surlendemain, un attaché d'ambassade vint leur dire : que vos bagages partant sans que personne ne s'en aperçoive, en ne les emportant pas vous-même. Ce jour-là, un camion plein d'officiers anglais en civil les emmena à Gibraltar.

Londres - Fin Septembre 43 - Février 44 - Des services anglais aux services français

Arrivés à Londres, ils demeurèrent quatre ou cinq jours à Patriotic School. Le colonel HUMPHREYS répondit à son étonnement sur cette mesure par 1a suite : c’est exprès, c’était pour savoir comment vous vous comporteriez. C’était à vrai dire une tôle dorée, après la prison de Figueras. Il connaissait déjà Patriotic School par ce que lui en avait dit "VIC” alors reparti en France, vu le retard de sa venue. On l’interroge sue le réseau, les noms des personnes de confiance etc. : il doit tout dire à un secrétaire qui compulse des fiches. Lui répond qu’il a un chef, qu’il lui faudrait un ordre de lui pour parler, encore cela ne suffirait-il pas, car il estime devoir personnellement protéger ses amis de France de toute indiscrétion qui les désignerait aux Allemands.

Le quatrième jour, on est venu les chercher avec de belles voitures en les félicitant d’avoir réussi à tenir devant les agents anglais. On étroit enchanté de leur attitude et amusé de la fureur des agents anglais qui les avaient interrogés.

Lui répétait toujours : ça ne vous regarde pas.

Ils restent quelques jours avec 1es Anglais. Pierre BLOCH était déjà parti pour Alger, Gaby, elle était encore à Londres. Mais on leur avait interdit de joindre qui que ce soit. Un ami de Marcel BLEUSTEIN vient du Parlement pour le voir. On s’arrange grâce à lui à faire prévenir de leur présence Madame BLOCH. Les Anglais voulaient les garder surtout Monsieur RACHLINE. On lui évitait tous contacts. Monsieur RACHLINE était un peu plus libre.

Enfin au bout de huit ou dix jours, Monsieur RACHLINE voit Gaby BLOCH qui lui dit aussitôt : "Ne restez pas chez les Anglais" et elle le met en rapport avec MANUEL (PASSY était alors à Alger). Il doit d’abord passer au service du commandant VAUDREUIL qui lui demande de lui parler de son activité en France. MANUEL lui dit : Est-ce que vous pensez qu’un officier anglais pourrait travailler pour le gouvernement français ? Monsieur RACHLINE : Certainement pas et je vais tout de suite me délier des Anglais.

Il va trouver HUMPHREYS : "Alors "RACHET" on va vous faire un uniforme ?"

Monsieur RACHLINE - Je ne suis pas d’accord. Je vais chez les Français.

Cl HUMPHREYS - Vous n’allez pas nous faire cela

Monsieur RACHELINE - Si on vous demandait d’aller travailler pour le gouvernement français, que feriez-vous ?

(C’était pénible de les quitter tant ils étaient gentils, aux petits soins).

Cl HUMPHREYS - Oui, je comprends

Et il lui demande seulement un serment sur différents points, à ne jamais révéler. Il lui dit de garder son appartement le temps qu’il voudra et lui offre de l’argent qu’il refuse.

Les Anglais n’exercèrent sur lui aucune pression. Ils connaissaient son souci de la sécurité et firent confiance en son serment. Les services anglais sont vraiment remarquables et ont fait l’admiration de Monsieur RACHLINE. En particulier ceux du C/E ( ?). Ils sont calmes, tranquilles. On vous interroge gentiment, seriez-vous le pire des espions. Pas de menace, pas de mensonges. Ils ne plaident jamais le faux pour obtenir le vrai. On vous demande simplement votre nom, votre âge, avez-vous des frères, des sœurs, et vous êtes dans l'engrenage. Que font leur mari, ou sont-ils, quelle est leur situation. Avez-vous des parents, où habitent-ils, où sont-ils enterrés ?

Que des questions simples qui toujours en entraînent de plus précises et finalement on a cité cent cinquante noms et ils procèdent à des recoupements fantastiques et confondent techniquement à un moment ou à un autre celui qui s’écarte de 1a vérité ; jamais de coups, jamais de menaces. Ces services sont bien différents des services français correspondants.

HUMPHREYS lui demanda enfin de jurer qu’il ne repartira pas en France.

Monsieur RACHLINE - Cela, je refuse.

HUMPHREYS - en gentleman : "Je n’insiste pas".

Il est invité chez G. BORIS avec MANUEL. Celui-ci lui annonce : je vous donne un poste de commandement au B.C.R.A. la section N/M 19 Hill Street, pour remplacer P. BLOCH. MALAFOSSE l’avait remplacé quelques temps. (MOURIER). Il est devenu chef de cabinet de LE TROQUER. Tout de suite après lui, le Commandant DUPRAT (ami d’A. PHILIPP) assurait l’intérim depuis 15 jours.

  • Quand commencerai-je ?
  • Demain matin.

Le lendemain à huit heures, il était au 19 Hill Street. Il ne trouve qu’une secrétaire Suzanne ROQUERE qui lui demande qui il attend. Je ne sais pas. Pendant un mois, il n’a même pas su ce que signifiaient les lettres N/M. Enfin, vers neuf heures et demie, dix heures, "le Comandant DUPRAT" arrive. I1 lui demande à le voir - Oui, pourquoi ?

Il ne savait manifestement rien.

  • Monsieur RACHET : Vous savez qui je suis, Lucien RACHET
  • M : Qui me vaut l’honneur- de votre visite ?
  • R : Je viens prendre le commandement
  • M : De quoi ?
  • R : De la section N/M :
  • M : Je ne suis pas au courant. Type éberlué.

A la section N/M

Monsieur RACHLINE finit par savoir que sa section était la section non militaire rattachée au B.C.R.A. et exploitant tous les renseignements qui arrivaient de France sur le plan purement politique. S’il y avait parmi, des renseignements d'ordre militaire ou les transmettait à la section militaire (REMY).

Tous les renseignements arrivaient soit par avion soit par voie détournée Espagne, Portugal etc... Ils étaient d'abord remis aux Anglais. Monsieur RACHLINE s'est chargé dès sa prise de fonction de se mettre en rapports avec 1es Anglais pour régler ce problème ; il leur dit : les renseignements sont ramassés en France par nos agents avec beaucoup de dangers. Or, ils n’arrivent qu'au bout d’un certain temps aux services français parce que les Anglais n’ont pas assez de personnel sachant le français. Les Anglais arguaient de leur manque de confiance dans le B.C.R.A. en raison des pertes considérables de temps avant 1’exploitation. Il finit par obtenir que les papiers fussent remis aux Français par les Anglais dès leur arrivée. Mais les Français ne voulaient pas que tout soit vu par les Anglais. Il y avait des renseignements politiques « à ne pas montrer au Anglais ». On n’utilisa les deux codes que plus tard. Jusqu'à 1’arrivée de Monsieur RACHLINE les Anglais recevaient tout le courrier et pouvaient 1’étudier avant de le remettre aux Français. Ensuite ils respectèrent le protocole oral passé avec Monsieur RACHLINE. Ils ouvraient les sacs de courrier e, sa présence et lui les emmenaient sons qu'ils les regardent. Ensuite, on procédait à la reproduction des documents : les uns, informations courantes, étaient destinés à 1a presse, d’autres aux Russes, aux Anglais, aux Américains ; certains n'étaient destinés qu'aux seuls services français ; ils ne présentaient aucun intérêt pour les Anglais.

Pour le choix des renseignements à passer aux Anglais, Monsieur RACHLINE n'avait à suivre que sa propre conscience. Personne ne pouvait lui dire : vous ne communiquerez pas ceci aux Anglais. C'est à partir de son époque que les Anglais n'ont su que ce qu’on voulait leur dire. Monsieur RACHLINE a vu de GAULLE pour savoir ce qu’on devait dire sur les maquis : les grandes lignes. Quand « CHEVAL » est venu à Londres, il lui reprocha d'avoir communiqué certains renseignements aux Anglais. de GAULLE a donné raison à Monsieur RACHLINE. Il ne fallait pas oublier que les Anglais étaient nos Alliés. Il tenait à être loyal vis-à-vis d'eux comme ils l'avaient été eux-mêmes, en renonçant à faire perdre cinq jours aux papiers pour les voir d'abord. Monsieur RACHLINE était aussi en rapports constants avec l'O.S.S., Russes, polonais, etc.

Le Colonel REMY fonctionnait parallèlement à lui. Quand Monsieur RACHLINE avait des renseignements militaires il les lui communiquait et réciproquement quand REMY avait des renseignements politiques. On avait d’ailleurs réussi à obtenir des réseaux français la séparation des renseignements civils et militaires. Mais il y avait des cas où les deux étaient fatalement mêlés. Ex il y avait une usine de roulements à billes à détruire : on essayait de faire comprendre aux Anglais qu'il y avait un groupe armé pouvant 1a faire sauter. Ensuite les Anglais attendaient avec impatience les résultats. Quand Monsieur RACHLINE trouvait dans le courrier un renseignement de cette nature il sautait chez REMY pour le lui donner.

A 1’époque, on envoyait une reproduction des papiers à Alger. Le gouvernement d’Alger n’avait d’abord aucune communication avec le France. L’homologue de Monsieur RACHLINE à Alger était alors le colonel JOUSSE. Il vint le voir à Londres avec THIBAUT pour lui demander comment il pourrait organiser à Alger le même service. On décida de faire faire des stencils ultra-secrets à Londres qu’on faisait porter par valise diplomatique à Alger (avions quotidiens).

Dès son arrivée, Monsieur RACHLINE pense qu’il fallait mettre DE GAULLE très rapidement au courant des nouvelles reçues de France. On en faisait un résumé envoyé par télégramme à quatre destinataires : de GAULLE, SOUSTELLE, PASSY, BORIS. Au moment où monsieur RACHLINE prit le commandement de la section N/M, il y avait grande bagarre à Alger entre d’ASTIER et PASSY. SOUSTELLE était le véritable chef, PASSY réglait les questions techniques avec PAILLOLLE. Le Commandant MANUEL était le chef de la base de Londres, PELABON de celle d’Alger. D’ASTIER demandait au gouvernement que la section N /U revienne à son ministère, les questions militaires pouvant appartenir au B.C.R.A. Il avait obtenu gain de cause. Il y avait toutes les semaines une conférence au B.C.R.A. à laquelle Monsieur RACHLINE assistait. On ne l’avait pas prévenu que sa section était rattachée à l’Intérieur ; il continue donc à y assister. A ce moment-là, son service marchait de façon parfaite, PASSY et MANUEL voulaient le conserver. (Environ un mois)

Sur ces entrefaites, D'ASTIER arrive à Londres, et demande à voir Monsieur RACHLINE. Il lui annonce le rattachement en précisant qu'il resterait directeur du service qui marche très bien depuis qu'il est là. PASSY ne voulait pas le lâcher parce que ça marchait et pour embêter D'ASTIER. En fait la section demeurait à Hill Street et avait seulement changé son nom de N/M en « Centre de documentation et de diffusion du Commissariat à l'Intérieur ».

Tous les vendredis, une conférence présidée à Hill Street par G. BORIS réunissait :

Un représentant du parti communiste :

  • GRENIER ou WALDECK ROCHET

De la C.G.T. :

  • GUIGUI
  • M. SCHUMAN
  • LAROQUE Le Directeur à l'Intérieur : COULET Du parti socialiste :
  • GOUIN, AURIOL, puis HAAS PICQUART
  • RACHET
  • BRILHAC
  • et deux ou trois autres personnes.

On donnait à SCHUMANN les informations qu'il pouvait utiliser après censure des services secrets anglais. On s'intéressait à "Radio-Patrie" commandé par un anglais, Colonel BECK, auprès de qui se trouvait GOEAU-BRISSONNIERE l'œil de Moscou des services français dans le secteur. Le colonel BECK était-il francophile ? Il était assez intelligent poux le paraître.

Par la suite les relations ne firent que s’envenimer entre PASSY et D’ASTIER. Il y eut entre eux des discussions extrêmement dures. PASSY prétendait que d’ASTIER était un malhonnête homme ; D’ASTIER assurait que PASSY était un bandit, en quoi, ils avaient bien tort tous les deux. L’ antinomie venait de l’esprit de corps. Au B.C.RA. on ne pouvait voir D’ASTIER parce que PASSY le détestait ce qui entraîna Monsieur RACHLINE dans une bagarre avec PASSY. Un jour, PASSY disait quelque chose d’injurieux à l’égard de D’ASTIER. Monsieur RACHLINE lui répondit : si vous aviez MANDEL comme ministre à la place de D’ASTIER, ce serait la prison pour vous.

Réponse de PASSY : « Il n’y a pas de prison pour moi ». A son arrivée à la section N/M, Monsieur RACHLINE trouva beaucoup de fantaisie dans son service : une pièce entière était pleine de papiers non exploités, le personnel en plein relâchement. On avait institué en Angleterre le travail obligatoire pour les femmes, les femmes d’ambassadeurs et autres travaillaient dans les secrétariats d’administration et faisaient un peu semblant.

Monsieur RACHLINE fut, au début, vu d’un assez mauvais œil. Le lieutenant, le capitaine qui étaient là avaient dû espérer devenir les chefs de la section. Le commandant DUPRAT homme d’A. PHILIPP repasse à l’Intérieur auprès de lui. Le personnel comprenait Madame Camille PARIS, Jeannine SERREULLES qui commençait à suivre les cours de la liaison militaire et administrative, Gilberte BROSSOLETTE. Parmi les femmes, il y avait Madame KOHAN ; une secrétaire, une femme épatante, Madame ROQUERRE (dont le mari a été tué dans un torpillage) en revenant de Syrie ; elle est restée sur un radeau, mordue par un requin, puis fut sauvée. Il y avait encore un certain SEVNIAN ( ?), en tout quatre-vingt à quatre-vingt-dix personnes.

Une femme Madame MAMY, la maîtresse de FRENAY était chargée de l’armoire aux secrets où l’on conservait les télégrammes. Quand Monsieur RACHLINE prit son service, il voulut le faire marcher. Il fit des notes de service exigeant qu’on arrive à l’heure, qu’on ne téléphone pas à l’extérieur, qu’il y eut une certaine productivité ; jusque-là entre cinq et sept, on invitait des amis, alors que les papiers étaient encore répandus sur les tables. Cette rigueur soudaine suscita bien des mécontentements.

Une des femmes, Madame PREVOST avait fait une lettre qu’elle devait lui adresser et l’avait lu devant tout le personnel : « Monsieur RACHLINE qui ne se croit pas rien et qui vient d’arriver veut faire le maître d’école, mais nous avons passé l’âge et nous n’admettons pas les méthodes de la Gestapo… » Or, Monsieur RACHLINE avait fait ses notes sous l’effet de la fureur que lui avait causé la vue à son arrivée de France d’une pièce de papiers non exploités. Il savait les dangers qu’on courait en France pour obtenir les renseignements ; il avait encore dans le travail sur place son frère, des amis, tous ses camarades. Quand il vit de quelle manière tranquille on laissait tomber des résultats obtenus si dangereusement, il en éprouva un cafard fou puis une vive colère. Il ne pouvait avoir la même optique que les gens de son service et n'allait pas admettre leur attitude.

Madame ROQUERRE scandalisée lui lit part de la lecture de Madame PREVOST, femme d’un capitaine qui travaillait au B.C. R. A. et des commentaires ironiques qui avaient suivi. La section avait été dirigée jusque-là par P. BLOCH et DUPRAT, hommes politiques et non hommes de travail. Monsieur RACHLINE avait l’habitude pour son usine de travailler de huit heures à vingt heures ou vingt et une heure. La tranquillité de son service le scandalisait.

Il fit appeler Madame PREVOST. "Vous avez une lettre à me remettre, vous auriez dû me la donner, il me semble, avant de la lire à d’autres.

  • Ah, vous êtes déjà renseigné, répondit-elle avec une certaine impertinence.

Il prit 1a lettre, la lut et la déchira. La femme eut l'audace de dire : « J'espère monsieur, que vous allez changer votre comportement ».

R. - En effet, ça va changer, vous ne faites plus partie du service.

  • Je finirai, je suppose mon mois.

R. - Vous n’êtes pas dans une entreprise commerciale, mais dans des services secrets, vous ne faites plus partie du service. Vous pouvez partir. Elle voulait aller chercher son sac, ses papiers.

R. - Non, j’ai un planton, il vous rapportera vos affaires. Et l'incident fut clos.

Son adjoint, un attaché d'ambassade, vient le voir :

R. - Au garde à vous, Monsieur s’il vous plaît et veuillez m’appeler « Mon commandant », j’arrive moi au bureau à sept heures et demie. J’entends que vous soyez là également à sept heures et demie. Vous êtes Officier, vous seriez beaucoup mieux dans l’armée que dans ce service.

Le personnel lui montra d’abord de 1’animosité puis bientôt ce fut le contraire.

Au début, certaines dactylos faisaient un stencil par jour d’autres un tous les deux ou trois jours. Il établit un planning et obtint douze à quinze stencils par jour. Leur sous-officier relevait les chiffres obtenus. Rouspétances les premiers jours, une fille s’en va à la suite du renvoi de Madame PREVOST, ce qui fut un bien.

Autre incident : On avait reçu un télégramme de France avec l’expression « ce con de FRENAY ». Madame MAMY avait transmis le texte à l’intéressé d’où une histoire terrible au Comité des Ministres. D’ASTIER sachant ou non que la fuite venait de Madame MAMY était furieux. Il lui dit dans le bureau de BORIS : « RACHET il faut que l’armoire aux secrets soit dans votre bureau » et il lui raconte l’histoire : « Vous pouvez faire cela, votre réputation a passé les mers, tout le monde; rigole à Alger de 1a manière dont vous avez balancé Madame PREVOST. DE GAULLE est heureux de recevoir tous les jours les renseignements. Vous passez pour un grand organisateur. Etant donné le désordre d’Alger, je vais vous demander de venir mettre de l’ordre dans le Ministère de l’Intérieur. Pourriez-vous d’abord mettre Madame MAMY à la porte ? »

R. - Certainement.

Le lendemain il arrive comme d’ordinaire à son bureau à sept heures trente et trouve D’ASTIER et BORIS déjà là, qui ne venaient d’ordinaire qu’à dix heures. Ils expliquent : Vous savez que ce qu’on vous a demandé est dangereux ; Madame MAMY est trop bien avec FRENAY, ça peut vous porter préjudice.

R. - Oh, je fais mon boulot.

A. - Votre avenir politique peut en souffrir

R. - Moi, après la guerre, je ne fais pas de politique, je m'occuperai de mes affairas.

Il sent que c'est plutôt eux qui ont la trouille. « Ça pouvait créer des histoires », il conclut :

R. - Ne vous inquiétez pas, je ne balancerai pas Madame MAMY mais elle s'en ira.

Il appelle madame UAMY

R. - J’ai pour vous une place plus sérieuse que celle qui consiste à conserver des documents.

M. - Je ne pourrai plus les voir ?

R. - J'espère que vous les classez et ne les lisez jamais.

M. - Je tiens à conserver cette place.

R. - Je regrette, l'armoire aux secrets viendra dans mon bureau.

M. - J’espère que j’aurai la clef ?

R. - Non.

M. - Alors, qu’est-ce que vous allez me donner comme travail ?

R. - Un travail très important, je vais vous placer dans la salle des dactylos et vous aurez à relire tous les stencils.

M. - C'est impossible pour mes yeux, j'aimerais mieux m’en aller. R. - Comme vous voudrez.

Et elle partit ; elle constitua un service pléthorique des prisonniers de guerre, comme si on en avait besoin à Londres à cette époque.

Le service continua à marcher, puis D’ASTIER fit venir Monsieur RACHET à Alger avec promesse d’une mission en France.

Il désigne pour assurer son intérim le docteur HANON qui a bien mené la section après son départ. Monsieur RACHLINE avait laissé des règles bien établies par écrit, des circulaires, des notes spéciales. Tout a été très bien suivi par le Docteur. Son petit défaut mignon était de préparer des plans pour le débarquement. C’était sans conséquences, il avait beaucoup d’idées. I1 était cultivé, intelligent. (Aujourd’hui chef de clinique à l’hôpital « BAUDELOQUE », il dirige en même temps une clinique personnelle).

Monsieur RACHLINE part donc avec D’ASTIER pour Alger le 13 (le 25 en fait) février 44. Il précise quelques impressions sur les personnes rencontrées à Londres :

VIENOT s’est tué à la tâche en défendent pied à pied les intérêts de la France. C’était un type délicieux, intelligent, distingué, d’une énergie de fer. Il mettait les intérêts de la France au-dessus de n’importe lesquels. Sa mort fut une grosse perte pour le pays.

BORIS avait mille qualités et quelques défauts. Il fut toujours l’éminence grise de PHILIPP d’abord, de D’ASTIER ensuite. A 1a fin, tout se passait à Londres et il était le délégué du Comité d’Action à Londres. Monsieur RACHLINE était très bien avec Louis LEVY, GOMBAULT, tout en leur reprochant leur attitude. Mêmes reproches à R. Aron qu’il aimait beaucoup mieux, qu’il admirait ; c’est un des hommes les plus intelligents qu’il connaisse. Monsieur RACHLINE fit plusieurs conférences eu groupe « JEAN-JAURES » sur son évasion, sur 1a résistance. A l’issue de chaque conférence, il y avait de grandes discussions : DE GAULLE est un dictateur, disaient-ils ; le B.C.R.A. martyrisait et tuait les gens. Ils n’arrivaient pas à comprendre que le Général De GAULLE était le symbole de 1a France. Monsieur RACHLINE ne pouvait arriver à les convaincre : R. ARON était alors beaucoup plus impressionné par son patron A. LABARTHE que par le Général DE GAULLE. Il y avait de nombreux petits clubs français à Londres. Monsieur RACHLINE conseillait aux gens de ne pas y aller car ils étaient remplis d’espions. Les Français bavardaient beaucoup, chez certains, il y avait quelque rancœur pour des places qu’ils n’avaient pas obtenues.

Monsieur RACHLINE retrouva à Londres son ami ZERAPHA, courageux, d’une honnêteté extraordinaire. Quand il était en France, au réseau, il ne voulait pas que le service assurât sa subsistance. Il déduisait toujours de ses comptes tous les frais personnels, qu’il aurait eus de toutes manières (quand Monsieur RACHLINE fut arrivé à Londres, on lui a offert de pourvoir en France aux frais de sa femme. Il n’a pas voulu. On a voulu lui remettre cent livres, comme à tous les camarades du réseau qui arrivaient en France, il refusé. A la fin, les Anglais l’avaient fait malgré lui).

De Londres, ZERAPHA voulait absolument repartir pour la France. Or, malheureusement, sa sécurité n’était pas très bonne : il perdait tous les papiers, n’était pas très doué pour la clandestinité. Il leur faisait peur.

Un jour, le Commandant PANIER vient voir Monsieur RACHLINE et lui demande sa parole d’officier sur ce qu’il pensait de l’envoi en France de ZERAPHA comme chef d’un réseau. Monsieur RACHLINE répondit : « II a fait en France un magnifique travail, mais ça suffit ; j’aurais peur pour son réseau. Il se ferait tuer certes sans parler mais pourrait perdre ses papiers ».

PANIER a dû dire à ZERAPHA c’est RACHET qui ne veut pas vous voir partir. Il lui en a voulu pendant très longtemps. Monsieur RACHLINE a protesté que c’était les services anglais qui avaient empêché son départ.

Et pourtant, ZERAPHA a réussi à repartir dans la période terrible où tant d’agents étaient perdus. Il fut plein de cran, mais fantaisiste.

Monsieur RACHLINE a vu aussi repartir Albert KOHAN. Deux Lysanders partaient ce soir-là (Novembre 43), le sien s’écrasa au sol.

ALGER. Février 44 - 22 Mars 44

Monsieur RACHET part donc pour ALGER. Il est avec « AUBRAC » et GRENIER qui vont rejoindre leur poste à 1 Assemblée Consultative. Sa femme demeurait à Londres (erreur).

Quand il arrive à Londres, Monsieur RAGHET s’occupe d’organiser le ministère de l’Intérieur. P. BLOCH était alors adjoint à d’ASTIER, il assistait au Conseil des ministres quand d’ASTIER était absent. Il avait été nommé en raison de l’impossibilité où l’on se trouvait à Alger de prendre des décisions pour le France, d’où la nécessité pour d’ASTIER d’aller à Londres. Il venait surtout à Londres pour gouverner, mais aussi pour Louba KRASSINE qui était toujours à Londres. Les voyages à Londres étaient très utiles. CHURCHILL 1’appréciait beaucoup.

D’ASTIER était un excellent patron. Il tenait ses collaborateurs au courant de tout. A l’époque, Monsieur RACHET son intime affirme alors qu’il était anti-communiste. Son grand dada était d’unifier 1a résistance, communistes compris, dans l’intérêt de la France pour ne pas laisser les communistes s’emparer de la résistance.

Monsieur RACHET arrive à nouveau dans une bagarre terrible du B.C.R.A. et de l’Intérieur. La prise de la section par ce dernier organisme n’avait pas apaisé les colères. Il y avait une action montée qui était la suivante : puisque BROSSOLETTE et BOLLAERT étaient arrêtés, il fallait désigner un délégué généra1, établir les rapports entre civils et militaires, désigner commissaires de la République et préfets pour 1a Libération.

Il y avait un travail de liaison urgent à faire.

DE GAULLE dans le plus grand secret, décide que D’ASTIER qui avait mené son affaire avec courage et même héroïsme et avait demandé à repartir en France, ferait cette liaison ce serait la « mission CLE »

On cherchait un adjoint militaire. Il n’y avait pas de délégué militaire nationa1 depuis 1’arrestation du général DELESTRAINT. CHABAN en faisait fonction et simple lieutenant avait affaire à des colonels ou à des généraux d’active comme REVERS ; cela pouvait paraître anormal. Il n’y avait plus de délégué du gouvernement d’ALGER. Il n’y avait plus rien. SERREULLES allait rentier ; MORANDAT, représentant de D’ASTIER parlait de confusion d’ambiguïté ; ça ne pouvait durer.

Il fut convenu que D’ASTIER emmenât comme délégué militaire PASSY. Mais la haine entre les deux hommes était trop implacable, accrue par leur entourage, celui de P. estimait que SOUSTELLE son chef n’était rien, que P. était le principal élément de la maison. S. était furieux. D’ASTIER lui disait que P. lui tirait dans le dos. On n’était habile ni d’un côté, ni de l’autre. Quand un type ne pouvait partir, c’était de la faute de PASSY. S’il partait, il ne reviendrait pas, assurait-on. Si on censurait une commission donnée par un civil, c’était de 1a dictature ! Ainsi Vincent AURIOL qui n’était rien à l’époque était furieux parce qu’on ne contactait pas sa famille pour lui donner des nouvelles. Comme si on avait des contacts à perdre !

Mais PASSY commit une indiscrétion concernant ce projet de mission et FRENAY l’apprit. Furieux, il déclara : si d’ASTIER part, je pars – La chose s’ébruita et il n’en plus question.

Entre temps un conseil des ministres se réunit pour nommer un directeur de l’Action en France.

D’ASTIER propose « RACHET » mais, lui refuse, car ce qu’il voulait, c’était une mission en France et il propose Raymond « Aubrac » comme un type épatant ne sachant pas qu’il s’appelait en réalité SAMUEL. C’est à cette occasion que R. MAYER fit une réflexion sur le fait qu’il y avait trop de Juifs au Ministère de l’Intérieur. Tout cela n’avait pas d’importance (ce qui a le plus frappé Monsieur RACHET dans les discussions avec Monsieur R. MAYER, c’est son comportement qui était celui d’un conservateur du matériel français. En somme, vous voulez qu’on lance des tracts sur la France demandant de numéroter les ballons ( ?) à enlever pour chaque sabotage pour les retrouver plus facilement ensuite !!! disait Monsieur RACHET. Il essaya de lui expliquer qu’après un sabotage, on file à toute vitesse. R. MAYER le prit pour un énergumène qui voulait détruire la France. R. MAYER est une grande intelligence ; il demeurait le grand personnage qui derrière son bureau des chemins de fer avait l’habitude de donner des ordres à des masses de personnes. Il manquait absolument de pratique en matière de clandestinité !)

Quinze jours ou trois semaines après avoir entendu parler pour la première fois de la mission CLE Monsieur RACHET se voit demander par D’ASTIER : « Est-ce que vous voulez voir le Général de GAULLE ? (Il l’avait seulement vu à l’Assemblée jusque-là).

R. – Bien sûr.

D’A. – Il vous convoque pour demain à 16 heures. Vous verrez. Le lendemain, il voit le Général de GAULLE pendant plus de deux heures aux cours desquelles le Général lui dit :

  • Vous savez qu'en France, ça va très mal. PARODI est désigné comme Délégué National. Il refuse ; or nous tenons à ce que soit lui.

On a préparé une mission qui ne peut partir, c’est vous qui allez partir. Vous prendrez comme officier adjoint, le Colonel REMY ou le Colonel BILLOTTE (voir ordre de mission).

Et le Général commente toute cette mission. Vous mettrez en place la délégation générale et la délégation militaire. Si c’est BILLOTTE, vous le laisserez et le nommerez Général. Ce ne fut ni l’un ni l’autre. REMY refuse de repartir en France quand Monsieur RAGHET lui proposa (Monsieur RACHET souligne l’erreur de REMY à ce propos dans « On m’appelait REMY »). Il ne voulait pas. Pour BILLOTTE, il y eut des raisons très réelles. Les Anglais l’empêchaient de partir. On lui donna alors le colonel ELIE qui ne devait qu’assurer l’intérim avant la venue de BILLOTTE qui ne vint pas finalement à cause d’une autre mission, surtout parce que les Anglais ne voulaient pas le laisser partir. Le Général lui a posé des tas de questions, fut très aimable (On avait beaucoup prévenu Monsieur RAHET contre sa froideur ; MENDES FRANCE lui avait dit : « Vous allez voir ». Pierre BLOCH : « Moi, devant lui, je ne peux plus dire un mot »).

Monsieur RACHET n’eut pas du tout cette impression. Quand il passe à l’arrivée dans le grand bureau de PALEWSKI le Général lui tendit très gentiment la main et lui offrit des cigarettes. A 1a fin, il lui dit : En somme, vous allez être Président du Conseil en France et constituer un gouvernement c'est-à-dire une mission plus grande et plus large – vous verrez les gens au coin des rues et non à l’Elysée ; vous êtes le Général DE GAULLE en France.

A lui, Monsieur RACHET a tout dit de ce qu’il avait fait avec les Anglais, comment il s’était évadé d’Allemagne, tout. Le Général a bien ri à l’évocation du groupe gaulliste constitué dans le camp en Allemagne. Il a même avoué : Dans tous mes rêves, je voulais continuer à combattre dans vos troupes, mais jamais je n’avais osé rêver être ainsi devant vous. C’est une grande émotion pour moi, mais je ne voudrais pas vous tromper étant donné qu’il s’agit d’une mission importante.

Le G1- La plus importante que j’ai donnée.

R. - Je serai d’une extrême discrétion. Ne croyez pas que je cherche à ne pas partir, la plus petite mission m’eût comblé. Mais cette mission est si importante que je tiens à vous dire que je suis juif et socialiste.

DE GAULLE – Que voulez-vous que ça me fasse. Vous êtes Français, ça me suffit.

R. - J’aurais été gêné, si je ne vous l’avais pas dit. (Mr RACHET était sous le coup de la récente discussion sur les juifs du ministère de l’Intérieur.)

Au cours de la conversation autour de la mission, le Général lui dit :

  • Pour les secrétaires généraux des ministères, vous ferez ce que vous voudrez, sauf dans deux cas : je ne veux pas voir VLLARS à la Justice, ni MONICK aux finances.

Le Général souhaitait le bâtonnier CHARPENTIER la Justice.

Pour le reste, le Général ne donnait pas de noms.

Il entendu qu’il fallait son agrément pour les secrétaires généraux et les Commissaires de 1a Républiques.

Le Général demanda à Monsieur RACHET :

  • Que pensez-vous des communistes ?

  • Ce sont d’excellents Français actuellement qui se battent contre les Allemands. Ma mission serait facilitée si, quand je serai en France, ils étaient au Gouvernement.

  • Eh bien, quand vous serez en France, ils seront au Gouvernement.

Si le Général ne voulait pas de VILLARS, ce n’était pas par anticommunisme, ma.is un Chef de Gouvernement dans ses dosages peut ne pas vouloir un communiste à la Justice, mais le préférer ailleurs.

Autre recommandation du général :

Quand vous serez en France, vous trouverez des hommes qui attendent la libération avec impatience. Ils ont une tendance bien naturelle à commettre de graves erreurs. Nous devons les protéger. Ils voudraient commencer l’insurrection su jour du débarquement. Mais les Alliés ont leurs plans. S’ils doivent rester deux mois en tel endroit, ils ne bougeront pas si les Français sont en danger à 10km de là. Dites bien qu’il ne doit pas y avoir d’insurrection nationale sans mon ordre. EISENHOWER peut y inviter pour faciliter ses opérations ; qu’ils attendent mon ordre. Je compte sur vous pour bien le leur faire comprendre. Le gouvernement est comptable de la vie des Français. Quand vous ne pourrez communiquer avec moi, vous direz : ce sont les ordres du Comité d’Action.

Revenez au début de Juin. Le Général précisa :

Désormais, vous n’êtes plus l’homme du ministre de 1’Intérieur, mais le représentant du Gouvernement.

Le Général craignait alors que 1’anticommunisme de D’ASTIER ne lui fît faire des bêtises.

Au moment de se séparer, le Général se lève, 1’accompagne et dit :

Gl de GAULLE - « RACHET », vous êtes marié ?

R - Oui, mon Général et j'ai trois enfants.

Gl - Où ?

R - En France

Gl - Vous les verrez ?

R - Pour la sécurité, non

Le Général lui serre chaleureusement la main en disant : Revenez.

Impressions : Monsieur RACHET les formule ainsi :

S’il avait été à ce moment à un 6e étage et que De GAULLE lui eût dit : Ouvrez la fenêtre et sautez, il n’aurait pas hésité une minute.

Seuls furent au courant de cette mission : le Général DE GAULLE, D'ASTIER, P. BLOCH et PASSY. Tous avaient juré que son nom ne serait jamais prononcé.

Une fois en possession de sa mission, Monsieur RACHET part pour Londres le 22 Mars 1944.

Londres - Préparation de 1a mission «  CLE »

Mars 1944

Quand il rentre à Londres, Monsieur RACHET se rend compte que HANON dirige bien son service. Il va donc partir sans inquiétude. Mais les Anglais ne voulaient pas le laisser repartir. On ne leur dit pas qu’il s’agit d’une mission très importante mais on leur en présente un tout autre schéma. Il a fallu aller voir un des Chefs de l'I.S. l’actuel directeur de la Banque d’Angleterre : ROBINBROOK qui seul pouvait donner l’autorisation, ce que PASSY et Monsieur RACHET finirent per obtenir de lui.

Il y a eu ensuite bagarre avec PASSY, quand il a fallu interpréter la mission, par ex : sur la subordination du militaire (ELIE) au civil. Il y eut des tas de protocoles. Chaque phrase fut mesurée. Le travail fut beaucoup plus difficile avec PASSY qu’avec DE GAULLE qui en homme d’état voyait les choses de haut. Monsieur RACHET avait son brevet de parachutiste, mais il s’était démis le genou et ne pouvait être parachuté. Les Anglais n’ayant pas envie de le voir partir, ne mettaient aucune rapidité à lui trouver un moyen de transport. On disait que c’était de la faute de PASSY et Monsieur RACHET avait toujours peur de voir quelque chose de coupé dans sa mission, bien que d’ASTIER fût venu le rejoindre à Londres avant son départ.

Grâce à ses relations avec le secrétaire d’un Colonel anglais venu lui porter ses faux papiers à Portsmouth, Monsieur RACHET obtint du Colonel HUMPHREY qui dirigeait la section des liaisons pour la France et l’Algérie, donc transports soit par avion, soit par mer, soit par terre, un moyen de partir.

Il avait des agents à Tanger, Lisbonne, dans tous les consulats Espagnols, en France. Tous les transports étaient faits par le service anglais et c’est seulement quand les Français ont retrouvé l’armée d’Afrique du Nord, qu’ils ont pu faire des transports par avion et sous-marin. Une vedette fut mise à la disposition de Monsieur RACHET et du Colonel ELY. C'était une vedette rapide armée avec 16 hommes. Une autre vedette suivait poux protéger celle-là. A la dernière minute, deux agents anglais ont été ajoutés.

En France « MISSION CLE »

Monsieur RACHET prend pour les servies Français le nom de SOCRATE. Le B.C.R.A. lui avait donné le nom de Monsieur DEAN.

Il part de Londres le 14, quitte l’Angleterre le 15 ou le 16 avril 1944. La vedette les dépose sur un point de la côte à une vingtaine de kilomètres de Morlaix. C’était la cinquantième mission du bateau dont le chef PETER n’avait jamais eu de casse, 5 ou 6 heures de traversée. En face des côtes, les vedettes sont arrêtées et les passagers sont passés sur une barquette. Au moment où ils descendent sur le You-You, le moteur de la vedette étant presque arrêté on tire sur elle. Un seul soldat était à bord, protégé par le blindage le canonnier. Il est coupé en deux par- un obus. On ne riait pas. Qu’est-ce qu’on fait ? On remonte ?

  • Non, on y va.

PETER était dans la barque avec eux et il communiquait avec les gens de la côte. Le Comité de réception procuré par les Anglais était magnifique : un grand Breton et deux filles qui ont accueilli à bras ouverts les quatre passagers grelottants de froid et de peur. (Ce breton a été fusillé par la suite.)

  • Mettez-vous à terre, ça passera, disent-ils.

On a entendu des pas qui s’en allaient, les moteurs qui tournaient à nouveau. Les Allemands tiraient, puis rien d’autre ne s'est passé. Les arrivants font quelques kilomètres à pied, avec leurs valises sous 1a pluie, sans bottes ; c’était pourtant le moment où elles étaient nécessaires ! On 1es fait entrer dans une maison de la lande où ils demeurent pendant deux jours avec des mitraillettes pour les garder. Ensuite les deux voyageurs décident de se séparer et de se retrouver à Paris. Ils avaient des papiers leur permettant de circuler en zone côtière mais ne leur attribuaient guère de crédit.

Monsieur RACHET part vers Morlaix, prend le train constate de nombreux sabotages un peu partout. Ils durant suivre un itinéraire extraordinaire pour atteindre Paris. A un moment, après avoir franchi la zone côtière, monsieur RACHET essaie d’allumer une cigarette ; mais son briquet avait rouillé au moment où ils débarquèrent sur la plage. Un voyageur lui passe des allumettes .... anglaises.

  • D’avant-guerre fit-il avec surprise !

  • Oh non, vous savez qu'il y a des gens qui débarquent.

  • Ah !

Ce type qui avait un moulin à huile était un cousin de DE GAULLE, de très bons sentiments, mais trop bavard. Il prit Monsieur RACHET en sympathie et se mit à lui raconter toutes sortes d'histoires sur la résistance. Ça l’empoisonnait.

A Saint-Brieuc, c'est un camarade de Stalag qui lui tape sur l'épaule !

PARIS

Avant de quitter Londres, Monsieur RACHET avait vu SERREULLES qui lui avait donné rendez-vous à Paris où il souhaitait revenir. PARODI, avait-il dit, n’accepterait pas la délégation générale. Il ne fallait pas oublier BINGEN.

SERREULLES était parti pour Alger pour convaincre de GAULLE que la manière envisagée n’était pas la bonne. D’Alger, il avait adressé un télégramme à Monsieur RACHET : « D’accord avec DE GAULLE, transforme comme je t’ai indiqué. » SERREULLES lui avait donné des contacts chez une actrice de cinéma.

Le B.C.R.A. lui avait indiqué pour prendre contact la rue d’Isly entre midi et une heure, trois jours de suite pour rencontrer MORADAT qu’il connaissait.

Lui-même avait fixé rendez-vous avec ELIE à la pissotière de l’avenue Henri Hart, en face le Trocadéro. Le lendemain de son arrivée à Paris, Monsieur RACHET va rue d’Isly : personne. Il trouve ELY qui avait d’autres contacts et n’avait vu personne non plus.

Pendant trois jours, il va rue d’Isly et ne trouve personne. Dès le premier jour, il n’avait pas de chambre, il va voir des personnes qu’il connaissait rue Saint-Florentin, elles l’avaient vu partir et sont affolées de le revoir. Dès huit heures du matin, il s’était présenté chez son ami BARNEL rue du Colonel RENARD, personne. Où pouvait-il être ? Parti depuis quelques temps dit la concierge. Il cherche ainsi dans quatre ou cinq maisons et ne trouve personne qui veuille le recevoir. Il est obligé de descendre dans un hôtel de la rue Traversière. Ses pantalons sont dégoûtants malgré le nettoyage des braves gens de Morlaix ; il y a encore au sel sur son pardessus ; pieds, chaussures sont imprégnés de sels.

Ça l’ennui, il demande à la femme de chambre si elle peut faire nettoyer son pardessus et joint 1.000Frs de pourboire ; il s’aperçoit aussitôt à l’air inquiet de la femme que c’est trop pour l’hôtel. Survient le bombardement de 1a chapelle. Il reste dans sa chambre, bien habitué aux bombardements de Londres.

Le lendemain, on le lui reproche ; « j’étais fatigué j’ai dormi, répond-il ». Il est interdit de rester dans les chambres quand il y a alerte. Pas grave ! Il s’en va.

Ce deuxième joui, il retrouve BARNEL, voit la femme de BLEUSTEIN à Neuilly qui nettoie aussitôt ses affaires ; il est sauvé ru point de vue matériel, pense-t-il.

BARNEL l’emmène chercher ses affaires à l’hôtel pour le prendre ensuite chez lui. La gérante de l’hôtel : « Monsieur, le Commissaire de police a demandé vos papiers ; il faut que vous alliez le voir ». Le pardessus est là, il est content.

Le troisième jour passa, sans rencontre, rue d’Isly. Monsieur RACHET désespérait quand le quatrième jour, il tombe par hasard boulevard Malesherbes sur MORANDAT

M. - Qu’est-ce que tu fais là, RACHET ?

R - Mais n’as-tu pas reçu le rendez-vous d’Isly ?

M - Non, jamais, c’est donc toi « SOCRATE » ?

Monsieur RACHET est toujours en liaison avec ELIE « ALGEBRE » qui a joint de son côté le Général REVERS.

Maintenant Monsieur RACHET commence à voir les gens. La première personne qu’il rencontra fut Roland PRE qui avait commis pas mal de bêtises ; il était en rapport avec PARODI qui ne connaissait pas Monsieur RACHET. Rendez-vous entre eux et fixé par l’intermédiaire de Roland PRE, à l’angle des rues Taitbout et de Provence. Monsieur RACHET arrive là, voit un Monsieur en gabardine, comme il était lui-même.

Ils ne s’inspirent pas confiance réciproquement, chacun pense que l’autre est un membre de la Gestapo. Par la même voie, autre rendez-vous est pris devant l’aquarium du Trocadéro. Enfin rencontre, Monsieur RACHET lui demande s'il acceptait la délégation générale. Bien sûr.

En réalité, c'est SERREULLES et BINGEN qui, après la disparition de MOULIN, avaient espéré être les délégués en France, ne tenaient pas à voir nommer PARODI. On avait envoyé un télégramme à « SOPHIE » (SERREULLES) lui demandant de désigner « QUARTUS » (PARODI), il ne l'avait pas fait, ce dont PARODI était furieux. Monsieur RACHET le met donc en place. Ce lut son premier travail.

MORENDAT continue à lui donner tous les contacts ; BIDAULT, VILLON et Cie.

« BIP » n'en menait pas large, les jours de réunions ! Monsieur RACHET voit tous les membres du C.N.R. pour désigner les adjoints du délégué général. On avait eu des catastrophes dont il fallait tirer la leçon. Quand « MAX » avait été arrêté il n'y avait personne pour le remplacer . Quand BOLLAERT nommé avait disparu, même inconvénient. Après avoir vu donc tous les membres du C.N.R., Monsieur RACHET désigne auprès de PARODI :

TEITGEN, « TRISTAN » comme premier délégué adjoint

LACOSTE, 2è

Il n'eut aucune difficulté avec les membres du C.N.R., SAILLANT à cette époque n’était pas communiste. Au contraire, il était très ma1 avec FRACHON, que Monsieur RACHET vit pendant deux heures : aucune opposition à la nomination de PARODI et de ses adjoints.

Les secrétaires généraux furent nommés avec l'agrément de PARODI que Monsieur RACHET rencontrait tous les jours.

En réalité, à partir du moment où il l'avait mis en place, il ne pouvait plus rien faire sans ses avis dont il faisait grand cas.

Monsieur RACHET pressent le bâtonnier CHARPENTIER qui refusa. Le C.N.R. insiste pour qu’on prenne VILLARS à la justice. Monsieur RACHET doit s’y résigner, ainsi qu’à MONICK pour les Finances, juste le contraire de ce que voulait DE GAULLE. Mais sur place à Paris, il ne pouvait faire autrement.

« TRISTAN » TEITGEN fut désigné pour 1’Information. En réalité ce fut GUIGNEBERT qui occupa le poste avec l’accord de Londres vu 1’arrestation de TEITGEN. Intérieur : LAFONT.

Les Commissaires de la République étaient proposés par les Mouvements acceptés par Londres et Alger. On désigne FARGE pour Lyon

INGRAND pour Clermont-Ferrand

pour Limoges qui devait être remplacé par BOURSICOT

BERTAUT pour Toulouse en remplacement de CASSOU blessé que Monsieur RACHET avait désigné

BOURDEAU de FONTENAY pour la Seine-Inférieure

(Ce fut GOULET par intérim et hasard parce qu’on ne trouva pas B de F.)

Monsieur RACHET doit régler ensuite la question des rapports entre les civils et les militaires ; ces questions-là furent beaucoup plus difficiles à traiter que les affaires civiles où les consentements et accords de tous avaient été obtenus facilement.

Monsieur RACHET vit en ce domaine aussi les principales personnalités REVERS, De VOGUE.

Il devait nommer ELIE Général pour en faire le délégué militaire national. ELIE lui dit : « Non, il n’y a que quinze jours que je suis en Franc, « CHABAN » mène très bien son affaire, je ne désire être que son adjoint.

PARODI : « Vous ferez ce que vous voudrez, mais je crois que ELIE a raison ».

Alors, Monsieur RACHET nomme CHABAN-DELMAS délégué militaire national par intérim. Il en fait un général, le Colonel ELY sera son adjoint. Le Comité d’Action d’Alger a l’idée que le délégué national titulaire sera BILLOTTE.

Autant pour les civils, on consultait, autant pour les militaires, il fallait imposer.

Les communistes voulaient s’abstenir, demandant d’abord que THOREZ rentre à Alger. A quoi, Monsieur RACHET répliquait : « vous avez actuellement des hommes de votre parti dans le gouvernement, c’est à eux de présenter cette demande et non à moi .Ils peuvent imposer la mesure en menaçant de démissionner, etc. »

Tous, sauf PARODI et CHABAN-DELMAS considéraient que le jour J de l’insurrection nationale devait correspondre au jour du débarquement. Lui, représentant du gouvernement, homme d’Alger, maintenait le point de vue du gouvernement.

PARODI, a eu en mains, à ce moment-là un protocole, mis au point avec CHABAN et ELIE où il est dit : « SOCRATE en vertu de sa mission qui lui donne tous pouvoirs donne l’ordre au nom du gouvernement et du Comité d’Action à toutes les organisations de la résistance et à tous ses représentants de ne déclencher le jour J que sur l’ordre exprès du Général De GAULLE ou de son porte-parole dont 1a voix est bien connue.

Signé entre le délégué du Général de GAULLE, le représentant de la mission SOCRATE, délégué Général du C.F.N.L. et le général délégué militaire. »

Une fois que ces différentes questions sont réglées Mr RACHET continue à voir la plupart des membres du C.N.R. et les militaires. Il se préoccupe de régler les rapports entre civils et militaires, et il peut considérer sa mission comme terminée.

QUESTION SERREULLES – BINGEN

On l’a vu SERREULLES avait une conception personnelle sur l'organisation de la délégation qu'il avait pensé faire adopter par le Général de GAULLE. Une dépêche du 17-4-44 avait proposé : Délégué général « QUARTUS » et cinq délégués choisis par ordre d'ancienneté en France : « SCAPIN », « CLEANTE », « GUIZOT », « MIRABEAU », « ORONTE ». Par ailleurs SERREULLES prétendait eu espérait que « QUARTUS » n'accepterait pas. De GAULLE voulait « QUARTUS » et « QUARTUS » seul. Mr RACHET avait ajouté deux adjoints, c'était aller dans le sens de SERILULLF3, mais sans prendre les personnes qu'il indiquait.

Avant de partir, Monsieur RACHET avait su que « SOPHIE » (SERREULLES) devait être parachuté aussitôt (que ?) lui. Pour qu'il ne gêne pas sa mission, il était bien d'accord avec PASSY pour qu'on ne le laissât pas repartir en France.

Quand il a quitté le Général de GAULLE, ce dernier lui dit : vous remettrez la croix de la libération à BINGEN, vous lui direz qu'il a été nommé commandant et vous le ferez rentrer. Le Général était inspiré par le B.C.R.A. en disant cela. En effet BINGEN était depuis 9 mois en France. C'était trop. Il était fort connu. Sa sécurité exigeait son retour. Il avait assez bien réussi, mais il était trop connu. Il devait rentrer. Sa prudence était d’ailleurs parfois insuffisante.

Monsieur RACHET a été le dernier à le rencontrer à Paris, avant son départ pour Clermont où il devait disparaître. Il avait de multiples papiers dans ses poches. Ils étaient tous les deux ingénieurs. BINGEN semblait très content de discuter avec Monsieur RACHET. Il lui montre un texte de protestation contre ceux qui restent dans leurs chaises à Londres. Monsieur RACHET insiste amicalement pour qu'il rentre : écoute, mon petit vieux, tu es commandant, ton courage depuis neuf mois a fait taire les médisants (très beau garçon, très snob, ayant beaucoup de succès féminins, BINGEN excitait certaines jalousies, et certains avaient pu émettre des doutes sur son courage), tu as fait ton travail, que veux-tu de plus ? Il faut que tu rentres. Une fois là-bas, tu te retremperas dans les difficultés de Londres, puis tu reviendras en France. Si tu veux te faire tuer, évidemment reste ici. La situation est dangereuse pour toi, tu es connu et recherché, tu ne prends pas assez de précautions. C'est terrible de te balader comme tu fais avec tant de papiers. Ce jour-là, peur ce rendez-vous Monsieur RACHET avait deux gardes du corps. Cela étonna beaucoup BINGEN. Monsieur RACHET lui expliqua qu'il fallait réaliser le maximum de travail pour le minimum de risques, qu'à Londres, on était très ennuyé quand un responsable tombait, car il fallait le remplacer et ce n'était pas facile. « Tu veux assurer la tranquillité des pachas qui restent à Londres. »

Malgré son insistance, il ne put obtenir qu'il reparte. Mais il peut assurer que le B.C.R.A., contrairement à ce qu’on a parfois dit, n'a ni voulu, ni provoqué la mort de BINGEN. Au contraire, c'est parce qu'on voulait assurer sa sécurité qu'on a tant insisté pour le faire rentrer.

Le général de GAULLE avait adressé un télégramme à RACHET, lui demandant de rentrer pour le mettre au courant de sa mission. Il va d' abord à Toulouse pour avoir le temps d'échanger quelques télégrammes avec Alger et préparer son retour. Il a demandé encore à BINGEN de venir le rejoindre à Toulouse pour rentrer avec lui par avion ou par l'Espagne. Il devait aussi ramener Roland PRE pour débarrasser Monsieur PARODI. A Toulouse, Monsieur RACHET a vu se femme. Il traîne une dizaine de jours car il savait que le débarquement aurait lieu vers le 5 juin. PASSY le lui avait dit, après avoir calculé la date d'après différents indices. Il n'avait plus aucune envie de partir. Personne à cette époque-là (mai 44) ne voulait plus repartir. Il fut question qu'il emmenât Daniel MEYER car il y avait eu beaucoup d'arrestations autour de lui, sa maison était occupée par la Gestapo. Ils s'étaient rencontrés sur un banc du Bois de Boulogne, Monsieur MEYER tenait le Populaire clandestin ; deux officiers allemands vinrent s'installer. Ils durent poursuivre à mots plus couverts et Daniel MEYER conclut : « moi après tout, je m'en fous, si on m'arrête, je n'ai plus de domicile. » Il fût décidé alors que le parti socialiste le désignait comme son représentant à Londres.

Il y avait dû y avoir auparavant GOIN, Vincent AURIOL, PHILIP. Celui qui exerçait ces fonctions quand Monsieur RACHET quitta Londres, était un garçon que personne ne voulait voir : HAAS-PICQUART, charmant garçon pourtant.

Monsieur RACHET dut aussi remmener DEFERRE, puis une femme qui l'abreuva de bavardages...

Finalement, il partit avec « VIC » qui devait regagner 1’Angleterre et avança un peu son départ pour partir avec lui.

VOYAGE DE RETOUR

Départ le 25 mai 1944. Le trajet par l’Espagne était devenu difficile. Tous les trains étaient à. cette époque très surveillés. Ils allèrent à pieds de Toulouse à Figueras, après avoir marché trois jours. Les mesures de sécurité prises par « VIC » étaient telles qu'il fallait se crever, mais il y avait ainsi peu de risques d'être arrêté. Ils arrivent en Espagne fatigués, mais contents. Cette fois tout va bien. Une auto du consulat britannique les attend et les conduit à Barcelone, où ils sont logés par un membre du consulat chez un banquier. C'est à nouveau la bonne vie. Ils repartent en voiture « C.D. » jusqu'à Madrid et de Madrid pour Gibraltar.

Quand ils arrivent à Gibraltar, c'est le ban. Plus personne ne pouvait entrer et sortir d'Angleterre. D'où les difficultés que Monsieur RACHET éprouva pour regagner Londres. Mais il retrouve là des amis. On lui fait fête. On l'invite à un grand repas à l'hôtel du Roc. Il explique qu'il a une mission importante à remplir auprès du Général de GAULLE. Rien à faire. On veut bien l'envoyer à Alger, mais les journaux ont annoncé l'arrivée du Général de GAULLE à Londres. Il insiste auprès du wing-commander LYNCH, et lui demande d'envoyer un télégramme à CHURCHILL. « VIC », lui, est autorisé à rentrer à Londres, dit-il. « Comment le savez-vous ? » Il a beau arguer qu'il est muni d'un passeport anglais... il n'y a rien à faire, bien que « VIC » assure qu'il ne partirait pas sans son ami RACHET. Mais le soir un télégramme arriva (LYCH avait donc fait le nécessaire) qui permit à Monsieur RACHET de partir pour Londres. Les Anglais ont toujours été pour lui très gentils.

LONDRES 2 JUIN 44

Quand il arrive avec VIC en Angleterre, Monsieur RACHET est mis en tôle, en fait gardé dans un appartement d'où il ne peut sortir. On lui apporte à manger mais pendant quatre ou cinq heures, il ne peut même pas téléphoner. Enfin arrive un officier de l'O.S. le major ARCHIBALD « mon pauvre LUCIEN, vous voilà de nouveau en tôle ». Pourquoi êtes-vous revenu avec « VIC » et non par un service français ?

  • Parce -que j'avais plus de confiance dans le service anglais que je connais.

  • Pourquoi n'avez-vous pas pris l'avion ?

  • Parce qu'il n'est pas venu.

  • Qu'est-ce que vous savez de votre frère ?

Eux savaient déjà qu'il était arrêté. Monsieur RACHET ne savait rien. On avait voulu lui éviter cette peine quand il était passé à Toulouse, et on avait inventé différents prétextes à l'absence de son frère.

Monsieur RACHET menace l'officier de tout casser dans la villa si on ne le laisse pas téléphoner au Général de GAULLE qu'il est arrivé. Rien à faire. Pourtant au bout d'un certain nombre d'heures il a pu téléphoner à G. BORIS pour lui dire qu'il était là. BORIS n'en croyait pas ses oreilles, car un télégramme avait annoncé sa mort.

Enfin il a obtenu de sortir de la villa. Il va à Hill Street. Il voit d'abord SERREULLES et BORIS et leur raconte comment il a accompli sa mission. Ils ne peuvent qu'approuver. De Londres et d'Alger en était bien toujours forcé d'approuver ce qui s'était fait sur place. A la fin de la conversation, SERRHEULLES lui dit : tu sais BUTGEN est arrêté. C'est un coup pour Monsieur RACHET qui l’avait vu quinze jours auparavant. Et il déclare à SERREULLES : tu es un salaud, tu n’avais pas remis le télégramme à PARODI.

  • Est ce que tu vas le dire au Général ?

  • Bien sûr.

Tous demandent à Monsieur RACHET de ne pas perler au Général de 1’arrestation de BINGEN ; SERREULLES se réservait le soin d’annoncer cette nouvelle au Général pour couper court le savon qu’il ne manquerait pas de lui passer. Mais le Général en voulut par la suite à Monsieur RACHET de ne pas lui avoir dit. Il se montra cette fois encore très gentil avec lui, il l’embrassa, lui dit qu’il aurait la croix de la libération (mais les papiers n’ayant pas été faits il ne l’a jamais eue réellement) ; il s’est montré satisfait de sa mission.

Quand le débarquement s’est produit le 6 juin, Monsieur RACHET était disponible. Son adjoint dirigeait bien la section NM qu’il n’avait pas besoin de reprendre. D’ASTIER avait demandé au Général de GAULLE de le nommer directeur au Ministère de l’Intérieur en remplacement de GOULET qu’on voulait envoyer en France comme Cre. de la République. Il y avait alors de grandes discussions sur l’administration des territoires libérés. Le Général de GAULLE n’était pas reconnu comme chef de gouvernement. Dans cette affaire, l’homme qui travaillait le plus dans le sens des intérêts de la France était VIENOT. De multiples questions se posaient, les faux billets fabriqués par les Américains etc. Mais surtout se posait le problème : comment allait-on administrer la France ? Les Américains auraient voulu nous imposer l’AMGOT. On avait, du côté français, crée la M.M.L.A. pour éviter cela. On estimait qu'à partir du moment où un territoire était libéré, il devait commencer à prendre une allure civile, tout en restant pour la durée des opérations sous la loi de 1843 qui prévoit 1'organisation du pays en temps de guerre. EISENHOWER décida que les territoires français libérés seraient administrés par des militaires français sous la direction de KOENIG qui était à son Etat-Major, à qui il laisserait toute la liberté et KOENIG avait comme chef d'état-Major PASSY. Avant de repartir pour Alger, le Général de GAULLE dit à Monsieur RACHET qu'il était le représentant du ministère de l'Intérieur chargé de superviser cette administration. BORIS qui était le représentant du COMAC du C.F.L.N., était furieux de voir ainsi l'administration de la France lui échapper.

Le protocole souligna les différentes positions des uns et des autres lors des obsèques de VIENOT.

Représentant civil, Monsieur RACHET prenait toutes les responsabilités en cette matière d'administration mais ne signait pas, puisque tout devait passer théoriquement par KOENIG. Le Général signait tout ce qu'il lui proposait. Du 6 juin au début de juillet on procéda ainsi.

Là-dessus, d'ASTIER arrive à Londres avec dans son avion trois personnes : Raymond AUBRAC, LUIZET, CLOZON. D’abord, il s'en prend à Monsieur RACHET : (sous l'influence de BORIS) pourquoi est-ce vous, pouvoir civil qui allez auprès de KOENIG ; c'est KOENIG qui doit venir ici pour prendre vos ordres.

A quoi Monsieur RACHET : Eh bien, puisque vous êtes là, c’est vous qui allez l’appeler.

Il avait procédé dans l’autre sens par déférence pour le vainqueur de BIR-HAKIM.

Puis c’est une réunion avec BORIS et d’ASTIER pour savoir qui on nommerait préfet de police de Paris. LUIZET avait été plus ou moins désigné par Alger, mais ce n’était pas définitif. D’ASTIER désirait que ce fut RACHET. Il répondit qu’il n’aimait pas la police et refusa, il refusa aussi d’être directeur de la sûreté. On lui proposa d’être commissaire de la République. Il fait remarquer qu’il a déjà lui-même désigné les autres commissaires. Là-dessus arriva un télégramme idiot de Roland PRE, demandant qu’on parachute dans la région de Paris des armes et des uniformes spéciaux pour la protection du Général de GAULLE. Or, il savait que le télégramme serait lu par les Anglais. On envoya aussitôt un télégramme indiquant que Roland PRE n’était plus le délégué Zone Nord. On pense à CLOZON pour le remplacer. Mais on juge impossible qu’un commissaire de la République soit en même temps délégué de zone. Et d’ASTIER conclut en disant à RACHET : « écoutez, puisque vous avez envie de vous faire tuer, vous partirez avec CLOSON et LUIZET comme délégué de zone nord. »

Monsieur RACHET avait précisément une folle envie de partir. Il avait appris que son frère était arrêté. Il espérait pouvoir faire quelque chose pour lui en France.

Ce fut sa mission « Urodonal ».

MISSION « URODONAL »

A Londres, en fin juillet 44, Monsieur RACHET prépare sa mission.

CLOZON qui était très bien avec les garçons de la région parisienne avait intrigué auprès de d'ASTIER, lui disant qu'il fallait faire attention, que RACHET avait été trop dur dans sa précédente mission. Il suggérait que, connaissant à peu près tous les membres du Comité parisien de libération, il demeurât lui-même à Paris jusqu’à sa libération, il rejoindrait Lille ensuite. On se préoccupait beaucoup de ce qui se passerait à Paris. On pensait que la capitale serait à feu et à sang. Pendant deux ou trois jours, on laisserait faire. Comment Paris va-t-il se révolter, se demandait-on ? Le Général de GAULLE avait été clairvoyant en refusant que le jour du débarquement soit le signal de 1’insurrection. Que serait-il arrivé si Paris s'était révolté le 6 juin ? Pourtant tout le monde, à Paris, voulait que l'insurrection correspondît avec le débarquement. Il y aurait eu, dans ce cas, de terribles destructions.

Le travail continuait à Londres pendant la préparation de la mission, en particulier les démarches auprès des Américains au sujet des bombardements de villes françaises.

Puis ce fut le départ, le (2 août 1944). Ils partent en avion. Quand ils sont en France, le pilote ne trouva pas 1’endroit où ils devaient atterrir. Ils poursuivent le voyage vers le Corse. Ils entendent des tas d'éclatements, D.C.A. ? s'inquiètent-ils - non orage. Nouveaux éclatements : cette fois, c’est la D.C.A. Ils arrivent en Corse. Comme le pilote avait des ordres très sévères les concernant, il les laisse toute la journée enfermés dans l'avion, les gardant avec une mitraillette. Ils étouffent. Pendant ce temps, il demande des ordres. On les fait ensuite descendre, et on les reçoit dans un monastère où ils rencontrent de BENOUVILLE et Louis MANGIN. Bonne soirée.

De Corse, ils s'en vont vers Alger, pour y prendre des nouvelles. Monsieur RACHET est hébergé chez Pierre BLOCH qui avait ce soir-là une grande réception. On attend toujours les nouvelles instructions.

D'ASTIER dit à Monsieur RACHET qu'il ne peut faire fond que sur lui, les deux autres ne faisant pas d'étincelles. Il l'invite à repartir seul en Corse, d'où il gagnera le premier la France. On trouve d'ailleurs prudent, après cette expérience de ne pas mettre trois agents dans le même avion. C'est PELABON cette fois qui monte son départ. Il arrive en Corse, retrouve le Douglas qui attendait les ordres. Il va repartir sur cet appareil avec le Colonel XAVIER. Ils devaient descendre ensemble dans l'Ain.

Le voyage se passa sans incident et l'arrivée fut magnifique. Monsieur RACHET demeura stupéfait et évoque la scène avec émotion : des centaines d'hommes attendaient l'avion. Au garde à vous, au commandement du Colonel ROMAN ils présentèrent les armes à Monsieur le délégué du gouvernement.

Quelques jours avant leur arrivée dans le naquis de l'Ain, les Allemands, à titre de représailles avalent bombardé plusieurs villages (Cf. Roman « Les Obstinés » - Ed. Janicot - Lille) : Carlier, Montgriffon, Montanges, Sièges, Nivelet et autres lieux. L'accueil fait à « Urodonal », délégué du ministère de l'intérieur fut particulièrement touchant dans ces villages, ou presque chaque famille comptait des victimes. Un homme dont la femme vient d'être tuée les invite à boire – « On les aura », commente-t-il, et jamais on entend un seul mot de reproches. Partout le représentant du gouvernement et son escorte sont invités. Il y a des prises d'armes, « Urodonal » doit prononcer des discours. Ces braves gens sont si contents d'avoir le gouvernement entre les « mains », qu'ils le gardent bien plus que prévu.

Pendant qu'il est dans les maquis de « Urodonal » reçoit la visite de « Cantinier » (ROSENTHAL). Une de ses nièces ou cousines servait dans les troupes de ROMAN. On la crut perdue pendant un certain temps, elle fut retrouvée au moment où « Urodonal » quittait la région. Pendant ce séjour dans l'Ain, il avait mené la vie de fermes au milieu de vrais soldats et de volontaires. Il y avait parfois quelques difficultés avec les officiers de l'O.R.A. Comme Monsieur RACHET avait lui-même l'air un peu officier, ils le prenaient sans doute pour un officier d'active et se précipitaient vers lui : Monsieur le Ministre, on ne donne pas à l'armée sa véritable place. Et il entendait les protestations de l'armée officielle qui voyait un abus dans la nomination d'officiers nouveaux comme ROMAN !

Monsieur RACHET constate que l'élan n'était point donné par ces officiers de carrière. Malgré tout, il les apaisait de son mieux. Il avait vu aussi des cas touchants, de très jeunes volontaires, un enfant de troupe qui lui expliqua qu'il voulait venger son père tué par les Allemands. Tout un régiment de gendarmes était passé dans ce maquis. Un grand chirurgien anglais s'était fait parachuter pour soigner les maquisards. Il travaillait dans des hôpitaux de camp, installés dans des maisons perdues, en haut des montagnes, en des coins difficiles à trouver. Des hommes étaient couchés à terre ; le chirurgien procédait à des opérations sur des coins de table de cuisine, dans des fermes isolées, c'est à dire dans des conditions très difficiles. Autre rencontre dans le maquis : un « pianiste » aujourd'hui consul à l'ambassade d'Amérique. Pendant ces quelques jours de l'Ain, le Colonel ROMAN explique à « Urodonal » qu'il avait reçu la visite du Commissaire de la République de « GRÉGOIRE ». Comme Monsieur RACHET avait fait désigner « BONAVENTURE » et qu'il ignorait que FARGE eut changé de pseudonyme, il conclut qu'il devait s'agir d'un traitre et qu'il faudrait le fusiller s'il revenait ! Par la suite, FARGE fit arrêter sans le savoir le Colonel ROMAN !

Cet arrêt de quelques jours dans l'Ain n'était pas prévu et Monsieur RACHET devait gagner au plus vite Paris pour y accomplir sa mission.

Le Colonel ROMAN le met en rapport avec des gens qui l'amènent à Lyon. Il n'y avait pas foule de voyageurs à ce moment-là.

Ils arrivent le soir à Hauteville où il n'y avait plus d'Allemands. Monsieur RACHET ne s'étant pas rasé depuis quatre ou cinq jours, va chez le coiffeur à 10h. du soir. Un peu de lumière passait sous la porte. Deux grands garçons entrent et demandent des explications. Monsieur RACHET les renvoie au Colonel ROMAN ! Ils insistent : que faites-vous là, d'où venez-vous ? Enfin l'incident est arrangé.

A LYON, Monsieur RACHET avait comme point de chute un certain abbé BERNARD, un homme extraordinaire et charmant. Il lui donne le mot de passe et lui demande de le mettre en rapport avec BOURGES-MAUNOURY et LAMBERT « LE MARAICHER ». Ce dernier devait le faire partir vers Paris. BERNARD commence à chercher les gens. Entre temps, Monsieur RACHET a appris que son frère avait été arrêté à Lyon. Lui-même va chez DENIS au bureau de poste où il a des gens à lui. Il ne voit personne. Pour avoir le contact, il était convenu de demander à un certain guichet un timbre extraordinaire. L'employé comprenait qu'il s'agissait d'amis. A la demande de Monsieur RACHET l'employée répondit : Monsieur, il n'y en a plus, allez-vous en. Deux hommes dans le bureau firent à Monsieur RACHET une déplaisante impression. Il sentit que ça allait mal. Quand BERNARD vient lui apporter un rendez-vous, il l'envoie chez DENIS. Il lui rapporte la nouvelle que DENIS, son fils, sa femme sont pris. C'étaient des gens admirables (voir plus haut).

Monsieur RACHET va voir la liste des cinq fusillés de la place Bellecour. Il est soulagé en constatant que son frère ne figure pas parmi eux. On lui dit qu'il doit être déporté, ce qui le rassure, car ce frère s'est déjà trois fois évadé, nul doute qu'il réussira à s'échapper. (Il a en effet essayé, mais cette fois sans réussir).

Monsieur RACHET a rencontré à Lyon « Mirabeau » qui se faisait remettre de l'argent par le crédit lyonnais. Il voit aussi DEGLIAME et attend deux ou trois jours des possibilités de départ vers Paris, alors très rares. On lui avait donné 1’appartement du directeur de la Compagnie du Gaz de Lyon (appartement qu'il passa ensuite à Mirabeau). Ce directeur lui fournit aussi un papier au nom de Louis RAGOT, ingénieur de la Compagnie du gaz chargé d'une mission urgente à Paris pour la compagnie.

« LE MARAICHER » lui a donné un moyen de partir : un bon camion de la croix rouge qui portait à Paris des bonbonnes de chloroforme : voiture à gazogène avec le conducteur et une jeune fille de la Croix Rouge. Ils s'arrêtent à Tournus pour passer la nuit. Ils avaient recueilli une ou deux personnes qui faisaient de l'auto stop. Au début, le chauffeur et la jeune fille ne voulaient pas les laisser monter. Monsieur RACHET au contraire, trouvait excellente leur présence ; ayant décidé de les prendre, il fit désormais figure de patron du camion.

Le lendemain matin à 6h, il entend frapper à sa porte. Les F.F.I. étaient venus dans l'hôtel réclamer le camion au chauffeur pour l'emmener avec eux. Il faut bien partir avec eux, la discussion n'est pas possible puisqu'ils sont armés et les Allemands occupent encore la ville. Ils arrivent donc au camp de ces F.F.I., un coin délicieux, petit bistrot, calme. Monsieur RACHET demanda à voir le lieutenant, le prit dans un coin et lui montra son ordre de mission. Le lieutenant consent à les laisser repartir, à condition qu'ils lui abandonnent deux bonbonnes de chloroforme, et il donne un laissez-passer F.F.I. Ce n'est pas très indiqué vis-à-vis des Allemands. Mr Rachet planque ce papier dans un coin du camion et ils repartent. Le voyage continue à peu près bien jusqu'à Saulieu où ils couchent. De Saulieu ils repartent jusqu'à un village avant Cravant. Mais les Allemands étaient planqués dans un bouquet d'arbres, ils surgissent. Papiers ! - On leur tend - Ils tâtent les poches, pas d'armes, « vous pouvez marcher » - Croix rouge ! A Sermizelles ce sont des Français qui les arrêtent, et leurs disent qu'ils ont tort de vouloir continuer. Des Allemands vont les arrêter un peu plus loin.

  • Ils laisseront bien passer un camion de la Croix rouge

  • Ici vous savez, la Croix rouge, ils s'en foutent.

Effectivement un peu plus loin des Allemands à mine patibulaire les arrêtent. Monsieur RACHET s'adresse à eux en allemand, l'un d’eux réplique en un français impeccable, contestant qu'il s'agisse vraiment d'une voiture de la Croix rouge. Il les oblige à descendre. Monsieur RACHET parlemente, évoque l'état terrible des hôpitaux de Paris où manque le chloroforme. Pendant ce temps les voyageurs du camion s'égaillent. L'officier allemand emmène Monsieur RACHET et les deux types qui restaient vers la maison de l'Etat-major. On les fait mettre au noir. Des Russes de 1' armée VLASSOV, en uniforme allemand les traitent de terroristes. Ils n'étaient pas fiers. Sur la route passent des voitures d'Allemands qui partent. (Déjà à Lyon, ils avaient vu d'invraisemblables voitures couvertes de branches oui ramenaient les Allemands). Finalement on ne tire pas sur les Français. Monsieur RACHET voyant arriver un capitaine lui explique sa situation, ingénieur du gaz, etc. transporté sur cette voiture de chloroforme. « Qui me dit que c'est vrai » objecte l'allemand. Monsieur RACHET montre son ordre de mission. Alors l'officier le fait fouiller. Il pense à son ordre de mission, au, celui d’Alger caché dans un paquet de feuilles de papier à cigarettes que l'Allemand à bientôt en mains, mais restitue aussitôt. « Qui me dit que vous n’êtes pas un émissaire des F.F.I. ? » Absolument pas, nous voulons rentrer à Paris, c'est tout.

« Je vais vous garder. Si les F.F.I. nous attaquent vous serez fusillé, sinon, nous partons demain vers l’Est, vous viendrez avec nous ». Ils étaient prisonniers, mais la prison n'était pas très sérieuse. Quand il fit nuit, vers 10 heures du soir, ils passèrent par les fenêtres, traversèrent l'Yonne puis se séparèrent. (Les bagages avaient été laissés dans un petit bistrot où Monsieur RACHET avait donné comme adresse pour qu'on leur restitue ultérieurement « le ministère de l'intérieur »).

Monsieur RACHET se dirige vers Auxerre. Là, le lendemain de son arrivée, il rencontre en se promenant sur la place la femme de son ami BRUSSET. Elle lui apprend que Max est dans la prison de la ville ; elle craint que les Allemands ne fusillent les prisonniers avant de partir. Monsieur RACHET lui demande qui est le maire d'Auxerre – « Jean MOREAU – bien ? – vichyste – Puis-je cependant me fier à lui ? – C'est un ancien colonel d'aviation, ce doit- être un homme d'honneur ».

Monsieur RACHET va donc voir Jean MOREAU : « Monsieur le Maire, je suis le délégué du général de GAULLE en France, mes amis savent que je suis chez vous, s'il m'arrive quelque-chose, ils demanderont des comptes à vous et à votre famille. Il me faut une voiture et de l'essence pour gagner Paris. »

J.MOREAU : - qui me dit que vous êtes un envoyé de de GAULLE ? Je ne veux pas avoir

affaire à ces gens-là.

  • il me faut une voiture et de l'essence ; vous êtes le maire, débrouillez-vous, votre vie est en danger tant que je suis chez-vous J. MOREAU fait alors venir un paysan qui avait une auto et explique à Monsieur RACHET qu'il doit donner 50.000 francs à l'homme (l'envoyé en mission n'avait que 60.000 francs sur lui). Suit une discussion sordide avec le paysan de l’Yonne, le maire soutenant son administré.

Enfin on apporte les bons d'essence et le marché est conclu, maris Monsieur RACHET ne versera l’argent qu’en prenant possession de la voiture.

Quand il arrive au garage, il voit deux Allemands qui emmènent la voiture. Il planque son essence 25 à 30 litres dans l’ancien bureau des prisonniers ; il ne l’a jamais revue.

Il suit à pied la voie du petit train d'Auxerre à Joigny. Le soir, il entre dans le parc d’un château, rencontre quelqu'un, « est-ce que vous vous occupez du château ? « oui » - « Je voudrais coucher dans une grange ». En fait c’est le châtelain qui lui parle.

Il compare ce château au sien. Son interlocuteur est ravi et l'invite C'est sa fille qui fait la cuisine, car tous les domestiques ont gagnés le maquis. A 10 h, le châtelain donne le signal. C’est 1'heure de partir pour aller écouter la radio anglaise chez le boulanger d’un village voisin qui fait lui-même son électricité. C’est ce soir-là qu'on apprend la nouvelle prématurée de la libération de Paris.

Il passa la nuit suivante dans la grange d’une ferme, un peu avant Joigny. Vers les 2 heures du matin, de grands cris, on le fait descendre dans la cour où l’attendent des hommes casqués. Il s'agit de gendarmes français portant croix de lorraine et insigne des F.F.I. Monsieur RACHET leur montre ses papiers et leur explique qu’il arrive de Londres. – « Mains en l’air, vous vous expliquerez avec nos chefs. » On l’embarque dans un camion avec 4 ou 5 mitraillettes sous le nez, de celles qu’il a bien connues en Angleterre. Il sait qu’elles partent toutes seules et qu’il est à la merci du moindre choc.

On le fait descendre devant une maison où un grand monsieur en pantalon de pyjama et veste à 5 galons le reçoit. « Qui êtes-vous ? » Il n'a sans doute pas bonne allure, voilà plus de 15 jours qu'il n'a pu se raser, il décline nom et titres, Lucien RACHET, « URODONAL » montre son ordre de mission.

  • « Qui me dit que vous ne l'avez pas trouvé, il n'y a pas de photo ! Vous parlez allemand ? – oui. « Français ? » – oui c'est ma langue maternelle. Il essaie de leur montrer qu'il connaît des hommes de la résistance, faut-il en trouver que ses interlocuteurs connaissent.

  • « Avez-vous entendu parler de « BARRES » ? Oui. Si je vous dis son vrai nom, serez-vous convaincus ? C'est BENOUVILLE et il parle ainsi (l'imite), du coup son interlocuteur l'embrasse. Il s’agit du Cl CHENEVIER (erreur de frappe : CHEVRIER). On prépare œufs, jambon pour « Monsieur le délégué du gouvernement » qui de traitre devient héros, on distribue à boire à tout le monde pour fêter sa venue. Le colonel devait rentrer le lendemain à Auxerre avec le nouveau Préfet qu'il lui fallait mettre en place. Maintenant qu'il a compris qu'il tenait le représentant du gouvernement, CHENEVIER (CHEVRIER) désire beaucoup le voir assister à cette cérémonie. « Faites-nous l'honneur d'installer vous-même notre Préfet. » Monsieur RACHET ne songeait qu'à gagner Paris et demandait avec instance une auto. Mais le colonel insiste et lui fait aussi ses confidences. « Vous avez vu ce qu'ils veulent faire ? Je ne vous cache pas, Monsieur le délégué que je suis d'action française ».

  • « C'est votre droit »

« Vous avez vu la proclamation du Préfet d'Auxerre ? République française, Liberté…..

Monsieur RACHET lit, c'était un texte très simple, très naturel qui se terminait par : « La République continue, vive la France, vive de GAULLE. » Je ne vois rien dit-il.

L'interlocuteur pointe alors le mot « République » et commente « ça va recommencer ».

  • « Effectivement la République continue. Je suis le délégué du gouvernement de la République. Le Préfet est votre Chef. »
  • « Je le sais, je me suis incliné. »

Ces remarques amères n'empêchaient d'ailleurs pas le colonel d’êtres très gentil, en particulier avec le préfet, un petit syndicaliste sans consistance. Monsieur RACHET revient donc à Auxerre, il mit en place le Préfet, revoit le paysan à la voiture qui avait perdu son fils tué par les Allemands le jour-même. Pas de Jean MOREAU ce jour-là.

Il obtient une voiture à Auxerre, et rentre enfin à Paris après avoir essuyé encore quelque petits ennuis : arrêté par des Allemands, puis d'autres F.F.I. Il trombe dans un village sur un instituteur qui se prenait un peu trop au sérieux et l'envoie à un autre type « vous parlez allemand Y Non alors on le laisse repartir.

Vers Orly il rencontra les troupes de LECLERC, parmi lesquelles il retrouve des amis. On lui procure un laissez-passer qui facilite la fin du voyage.

Il arrive dans un Paris sans agents. Impression de ville morte avec de temps à autre des bruits de coups de fusil. Il va directement à la Préfecture de Police.

REPRISE EN MAINS DU MINISTERE DE L’INTERIEUR.

Le 25 Août, la confusion règne encore dans les pouvoirs des responsables du ministère. D’une part Monsieur RACHET remplaçait R. PRE, mais Roland PRE était au ministère de 1’intérieur. Mr RACHET devait être le secrétaire général du ministère ; LAFFON exerçait les mêmes pouvoirs. Heureusement ils se trouvaient entre copains, trop heureux de la libération de Paris. Ils avaient trouvé dans la cour de l’Intérieur une quantité de nourriture abandonnée par les Allemands. Ils organisent une petite cantine pour leur triumvirat, avec des souris grises prisonnières pour les servir. Monsieur RACHET avait trouvé un petit révolver de de BRINON qu’il garda. C’est sur des bristols de de BRINON qu’il écrivait les 1e « arrêtés ».

Les complications commencèrent avec la nomination du directeur général de la Sûreté. A Londres d’ASTIER avait nommé Achille PERETTI qui se trouvait encore dans la capitale anglaise au premier jour de la libération de Paris. A Alger CHEVREUX avait été désigné. On ne savait pas exactement par qui. Au moment où à Alger s’était posée la question de cette nomination Monsieur RACHET avait entendu dire que c’est de GAULLE qui voulait CHEVREUX. En plus on était en pleine bagarre d'ASTIER- B.C.R.A. - Du côté de la résistance intérieure, c’est COMBES que le C.N.R. avait désigné pour ce poste.

Le 27 au matin, les trois envoyés de Londres, Mr RACHET, LAFFON, R. PRE se réunissent pour examiner cette question importante. Dans une période (illisible : transitoire ?) comme celle qu’ils vivaient 2 postes étaient essentiels : le préfet de police, responsable de 1’ordre dans Paris et le directeur de la Sûreté Nationale qui a sous ses ordres toute la police pour toute la France. Monsieur RACHET fut chargé de recevoir COMBES et de tergiverser jusqu’à l’arrivée du gouvernement. Vous êtes nommé par le C.N.R. bon, très bien. Il faut pourtant attendre le gouvernement. C’était difficile car COMBES voulait prendre ses fonctions, arguant de la nécessité d’avoir à un pareil moment un directeur de la sûreté.

L’après-midi il recevait PERETTI qui demanda de faire savoir à la presse qu’il était le directeur général de la Sûreté. Même réponse : il faut attendre le gouvernement. Enfin CHEVREUX arrive « alors qu’est-ce qu’on fait ? » Monsieur RACHET à propos du poste lui demande : « Est-ce que vous y tenez tellement ? » -Non – Donc plus que deux titulaires. Ce fut finalement COMBES qui occupa au début le poste. Puis ce fut PERETTI qui prit la place pour la lais laisser par la suite à PELABON. COMBES demeurait à sa disposition comme inspecteur des camps.

Roland PRE fut évincé dès le début ; LAFFON partit pour Allemagne, LAMBERT devint préfet, Roger STEPHANE demeura au cabinet

Quelques jours après d’ASTIER arrivait. Mr RACHET est resté auprès de lui au ministère jusqu’au 8.10 Septembre, jusqu’au premier remaniement ministériel. D’ASTIER l’a envoyé en tournée auprès des commissaires de la République, en particulier à Vichy pour chercher les papiers de l’intérieur. Il y a encore des endroits où l’on ne peut pas passer. Il voit comment fonctionnent en place les commissaires de la République dont il avait à Londres et à Alger, préparé les pouvoirs. On s'apercevait sur place que ces pouvoirs étaient exorbitants. Monsieur RACHET avait l'ordre de les ramener à de plus justes proportions. Il voit ainsi INGRAND, BOURSICOT. A Vichy, pas de difficultés car il trouve dans les locaux du ministère des résistants, LEONI, MAISONNEUVE. Ils se partagent les cigarettes du Maréchal !

Au retour de ce circuit, alors que maintenant TIXIER est ministre, Monsieur RACHET constitue différentes commissions d’épuration. Il a aussi organisé la commission d'épuration de la préfectorale, et la commission d'épuration de la police. Il était commissaire du gouvernement auprès de ces deux commissions. L'une était présidée par JEAJEAN aujourd'hui préfet, l'autre par

Monsieur RACHET était encore commissaire du gouvernement auprès d'une autre commission constituée par lui : la commission de la sûreté Nationale, celle qui était chargée de procéder aux arrestations. A ce moment-là, on n'avait pas besoin de mandat d'amener pour arrêter, période de guerre. Cette commission fut d' abord présidée par Monsieur RACHET, puis par Albert BAYET, avec lui comme commissaire du gouvernement. Il y avait également comme secrétaire, l'actuel secrétaire général de la C.G.T. et quelques autres personnalités. C'était une espèce de comité de salut public.

Quel était le rôle de Monsieur RIBIERE ? Appartenait-il à cette commission. Monsieur RACHET l'a expulsé, car il s'instituait un peu en dehors des pouvoirs établis.

Au début les gens entraient au ministère armés de mitraillettes. Cela devenait dangereux. Un grand désordre régnait dans les attributions de voitures, il y en avait plus de 100 en circulation. Monsieur RACHET donna 48 heures pour les ramener. Elles revinrent toutes sauf deux que l'on savait être l'une chez d'ASTIER, l'autre chez Pierre BLOCH, à qui on la laissa pendant 3 mois.

Cette commission a fonctionné pendant assez longtemps : elle décidait de l'arrestation ou de la relaxation des personnes. À la demande de TIXIER, monsieur RACHET est allé à Drancy où il a vu des centaines de personnes qui n'avaient aucune raison d'y être bien des gens arrêtés par de faux F.F.I. pour brouiller les cartes. Un F.F.I. excité a failli faire écharper monsieur RACHET en le traitant de fasciste. On arrête le garçon et l'on vérifie : il n'avait jamais été résistant. C'était un provocateur. Cette visite eut pour conséquence la création d'une commission de criblage au Drancy. Dans certains cas monsieur RACHET eut beaucoup de mal à faire sortir des gens de ce camp, par ex. la sœur d'un metteur en scène connu, venu le voir avec Marcel BLEUSTEIN. Il est allé voir Sacha GUITRY qui n'était pas malheureux, une cour l'entourait. Des tas de démarches étaient faites en sa faveur par toutes sortes de gens, par ex. Armand SALACROU et d'autres communistes purs. Il n'y avait pas de crimes dans son dossier. Pour la garde des prévenus, les F.F.I avaient remplacé les gardes mobiles. Monsieur Rachet eut une bagarre avec Roger STEPHANE qui prétendait, au nom des F.F.I. interdire l'entrée de Drancy aux gardes mobiles pour garder ces nouveaux prisonniers du camp.

Tous les F.F.I. commettaient des abus, la promiscuité qui régnait dans le camp était épouvantable. Monsieur RACHET demanda de passer en revue la garde F.F.I. Le colonel a essayé de mettre ses hommes en ordre. Ce fut difficile. Il y avait une grande relâche parmi cas F.F.I. Les meilleurs avaient suivi les troupes et n'étaient pas là. On trouvait parmi ceux de Drancy de vrais voyous et d'authentiques collaborateurs qui s'étaient glissés là pour en faire échapper d'autres.

La commission constata que 20 à 23% des détenus méritaient absolument leur incarcération, leurs dossiers furent transmis aux magistrats. Parmi les autres on découvrit même d'authentiques résistants, bien des erreurs. Trois ou quatre jours après la libération Monsieur RACHET vit entrer dans son bureau comme en pays conquis un officier américain qui accompagnait une dame dont le mari avait été arrêté sens raison, il était homonyme d'un collaborateur. Monsieur RACHET fit remarquer à cette dame qu'il y avait une justice en France à laquelle elle pouvait se fier sans faire passer ses réclamations par des ressortissants étrangers. Il fit une enquête le soir-même, et à 3 ou 4 heures du matin le mari était rendu à sa femme.

Il y eut assurément des excès à cette époque mais ils n'ont jamais abouti à autre chose qu'à des privations de liberté de quelques jours. Il y eut quelques exécutions de vengeance, mais très peu. (Voir les statistiques). Une centaine dans la région parisienne - certaines exécutions n'ont sans doute pas été mentionnées. Quand on exécutait un personnage bien connu pour son incontestable collaboration, la famille se taisait et ne demandait aucune enquête.

Monsieur RACHET a lui-même fait arrêter des F.F.I. authentiques qui s’arrogeaient le droit de justice pour aller piller. Paris s’est très bien comporté. Le nombre des victimes tuées qu’on peut dans 1’ensemble du pays attribuer à des passions locales est équivalent à deux mois d'accidents automobile. Là où il y avait des FFI à direction communiste on en comptait un peu plus. Le rôle de ceux qui avaient des responsabilités gouvernementales était de minimiser aux yeux des étrangers les excès des FFI, pour montrer que le gouvernement au pouvoir avait bien la situation en mains. Le rôle du gouvernement était très difficile. Il n'avait presque pas de moyens d'action. Et tous les jours des ambassadeurs venaient dire : est-il vrai qu'un tel ait été arrêté ? Un jour dans le bureau de monsieur RACHET on vient dire : on a arrêté à tel endroit un tel, c'était un abominable individu (DARQUIER de PELLEPOIX, croit-il). Monsieur RACHET s'écrie avec conviction : « bravo », devant un journaliste. Un article s'en suivit : « on applaudit les crimes de la résistance au ministère de l'intérieur …»

C'était évidemment une période de terreur. Il fallait faire très attention pour en éviter le développement. C'est ce qu'on fit sans exagérer l'importance de ces histoires. Un incident par ex : On devait arrêter le comte de ROCHAMBEAU (erreur : Marquis), les deux flics reviennent avec sa femme qu'ils avaient prise parce qu'ils n'avaient pas trouvé le mari. Monsieur Rachet leur dit : « vous restez des hitlériens ». – « Mais on est sûrs ainsi qu’il va venir ». Il fallut leur faire comprendre que puisqu'elle même n'avait rien fait, ils n'avaient pas le droit de 1'arrêter, à moins d’adopter les méthodes allemandes. Monsieur RACHET fit relâcher la femme.

Il ne voulut pas laisser arrêter Gabriel COGNACK comme le désiraient Albert BAYET et autres. Cela lui répugnait de faire arrêter des personnes qu’il connaissait. Il était allé à Berlin en tant que Président des Musées nationaux. Il était le Président du Secours d’Hiver du Maréchal. On l’avait utilisé plus qu’il n’avait fait de mal. Monsieur RACHET connaissait sa collection de tableaux et d’objets d’art et savait qu’il la destinait au Louvre. Il l’a rencontré deux ou trois fois depuis la libération et regrette beaucoup de ne pas lui avoir dit, « COGNACQ dans une période trouble on pouvait vous arrêter si on ne l’a pas fait c’est parce qu’on savait quel collectionneur de grande classe vous étiez etc. Ainsi il n’aurait peut-être pas fait le testament prescrivant de vendre sa collection, en fonction des ennuis qu’il avait eus à la Libération. Il était outré qu’on lui eût enlevé sa présidence des Musées nationaux. Il avait pourtant eu 15 jours avant sa mort l’intention de rechanger ce testament.

Dans cette période on demandait à Monsieur RACHET des tas d’arrestations. Il considérait le dossier, allait voir TIXIER et BLUMEL, et ensemble décidaient s’il y avait lieu de procéder à l’arrestation. Après les quatre ou cinq premiers jours qui suivirent la Libération, on peut dire qu’on respectait la liberté des individus. Quand à Alger et à Londres, on pensait à cette période de la libération on envisageait des milliers de victimes par liquidation rapide. Les communistes pouvaient tout en 45. Ceux qui reprochent à de GAULLE d’avoir introduit les communistes et THOREZ au gouvernement ont bien tort. Si les communistes n’avaient pas été compris dans le gouvernement, ou bien c’eût été l’anarchie, aucun gouvernement n’étant possible, la France aurait été dirigée par les Anglais et les Américains, et l’on aboutissait à la guerre civile contre les libérateurs. Ou les communistes auraient pris seuls le pouvoir, les Alliés laissant faire considérant le fait comme moins important que la rentrée dans la Guerre de la France alors alliée des Russes.

Au Ministère de l'intérieur des communistes cherchaient à faire nommer des commissaires. On eut alors une nette perception de ce qu'ils voulaient. Quand on leur refusait un poste, ils considéraient le refus comme normal. N'étant pas maîtres des choses, ils ne s'emparaient que de ce que l'on voulait bien leur laisser. Souvent ils proposaient des gens qui avaient été des héros locaux, pour lesquels la population était d'accord. On essayait de les mettre en dehors des postes clefs les plus importants. Mais personne à l'époque ne s'opposait à ce qu'ils prennent des places.

L’AFFAIRE HARDY

Monsieur RACHET est absolument convaincu de la culpabilité de HARDY. Il renvoie aux « Libération » correspondants aux jours des deux procès où ses dépositions ont été bien reproduites. Mr RACHET revoit souvent BENOUVILLE qui persiste à croire HARDY innocent. BOURDET, FRENAY considèrent qu’il a trahi.

Au premier procès, il y avait un témoignage de premier ordre celui de l’homme qui était avec lui dans le train. On n’en a pas tenu compte. On ne s’est pas assez servi du témoignage de Monsieur RACHET.

BENOUVTLLE dans la première édition de son livre paru en Suisse raconte une conversation avec HARDY au cours de laquelle il se plaint que ce résistant ait été un traitre après avoir été un héros. Ensuite il est revenu sur cette position. Ça le gênait dans sa vision du monde que HARDY ait été un traitre.

Max HELBRONNER croit, dans son honnêteté, que HARDY est innocent parce que les Allemands lui ont dit à lui : vous êtes DIDOT. Il se trouve que les Allemands qui 1’interrogeaient ne savaient pas que la même personne avait deux noms. Maurice GARCON fut effondré quand HARDY reconnut son mensonge. Il pensa abandonner son client. Un grand avocat vint alors demander à Mr RACHET s’il pouvait accepter la défense de HARDY. Il lui répondit qu’il était coupable.

Puis Maurice GARÇON remonta la pente, il finit par se convaincre que HARDY n’avait menti que parce que dans le cas contraire il se trouvait trop gêné vis à vis de ses camarades. Son talent fit le reste.

Le deuxième acquittement est dû à l’intervention de Claudius PETIT ; le commissaire du gouvernement, représentant de la société, du gouvernement aurait été plus direct et, plus dur, s’il n’avait pas eu cette indication donnée par le ministre lui-même. Le président MEISS qui est un grand président le juge coupable. Il l’a dit ultérieurement à Mr RACHET. PASSY a la même conviction, mais sa déposition qui rectifiait une erreur technique fut malhabile.

AFFAIRE DU CAPITAINE GILBERT

Dans 1’ordre des drames que la résistance a pu susciter après la guerre, Mr RACHET évoque 1'affaire GILBERT. C’était un homme qui travaillait dans les avions de transport pour les anglais. Mr RACHET l'a vu à Londres arriver en capitaine de la R.A.F. Il a su par les Anglais, ensuite, qu'ils l’avaient mis de côté. Il avait envoyé un télégramme : « Faites attention à tout ce que j'enverrai, je suis suivi par les Allemands. » Mr RACHET ayant connu ce télégramme, a témoigné en sa faveur au Cherche Midi, ainsi que 15 personnes que cet agent avait transportées en Angleterre, le général LECHERE, le commandant LEJEUNE, Madame BLOCH, GERSON... qu'il aurait pu donner s'il avait voulu trahir. Or personne n'avait été arrêté de son fait. Il fut acquitté, et Mr RACHET lui a donné une situation dans son usine.

SERVICES DE VICHY.

Mr RACHET eut-il des contacts avec eux ? Il en eut à Toulouse pour une question d'armes cachées dans une école de vétérinaire. Il n'eut pas confiance et eux non plus.

Les hommes de ces services ont relâché JAMONDITSKI. Il y avait des types bien chez eux, mais tellement peu qu'on était certes fondé à avoir peur et à se méfier d’eux.

LE FRERE DE Mr RACHET, VILA RACHLINE « RENAUDIN »

Arrêté et fusillé à 33 ans, sous ce nom de « RENAUDIN ».

Mobilisé en 39 il fit la guerre et fut fait prisonnier en 40. Il s’évade peu après son aîné, mit un mois 1/2, deux mois à regagner la France et rentra à Toulouse. Il avait demandé à Mr RACHET de travailler avec lui. Ce dernier n’était pas chaud, trouvant qu’un suffisait. Mais un jour chez le docteur LEVY, une carte de FRAGER arrive qui demande d’envoyer EUGENE, un agent anglais à Toulouse. On est naturellement embarrassé, alors Mr RACHET, dit : eh bien chez mon frère. A partir de ce moment, V. RACHLINE travailla avec EUGENE. Quand le réseau d’EUGENE fut dispersé, son frère disparut dans la nature pendant quelques temps. Au moment où Mr RACHET partit pour 1’Angleterre avec GERSON il contacte son frère et le prend dans son réseau, où il fit un très beau travail.

Il fut une première fois arrêté par les Français à Brive par un policier qu’il connaissait. TRAVERS le rencontre, l’appelle. Il se retourne et l’autre lui demande ses papiers et l’arrête. Il avait sur lui une douzaine de fausses cartes d’identité qu’il allait porter à Toulouse. IL reste 48 heures en prison; puis s’évade sans l’aide de TRAVERS.

Il avait trop confiance en lui, pensait que tout cela n’avait pas d’importance et finirait bien. Ayant eu de la chance dans ces deux évasions, il pensait en avoir toujours.

Le 10.5.44, il avait une sécrétoire qui rentrait de Paris avec des fonds, deux millions et des télégrammes qu’elle devait porter dans une maison de Lyon. Elle était claquée, Mr V. RACHLINE lui dit : allez vous coucher, je vais porter ces papiers.

11 devait ensuite retrouver son frère qui allait l’emmener à Londres. En arrivant à la maison où il portait les papiers, il fut arrêté. Il subit quatre jours de supplices. Marcel DASSAULT était dans la même cellule et put dire par la suite à Mr RACHET ce qui s'était passé. On le prenait chaque matin et on le tenait sous les supplices jusqu'au soir. Il n'a pas parlé. Le 10 juin il est transporté de Lyon à Limonay (Limonest) avec 16 de ses camarades. Mr RACHET a vu quelqu'un qui se trouvait là ligne de chemin de fer et a assisté à ce qui s'est passé, ils chantaient tous la « Marseillaise », les Allemands les firent descendre du convoi et les abattirent. Il y avait parmi eux deux garçons, deux étudiants qui allaient partir par 1'Espagne dont le père avait été fusillé.

V. RACHLINE montra un courage fou. Il a su le 6 juin que les Anglais avaient débarqué. Les supplices ont continué pour lui, les Allemands le laissaient dans l'état où il se trouvait le soir, sans le soigner.

Il tenta encore une fois de s'évader. L'Ecole de Santé militaire où il était interrogé fut bombardée. Le lendemain les Allemands prirent des prisonniers de Montluc pour enlever les décombres. IL fut volontaire, il ne fut pas pris le premier jour. Ce jour-là deux prisonniers s'évadèrent, il fût pris le lendemain. Les Allemands avertis par les évasions de la veille les gardèrent avec des mitraillettes. Il eut du moins la joie de voir crevés sous 1es décombres les chiens qui l'avaient mordu.

L'école de la rue ces Rosiers dont il était un bienfaiteur porte son nom. Il est question que la rue doit le prendre (le prenne) aussi.

Mr RACHLINE 1aissait en tombant pour la France, une femme, une fillette de 8 ans, un fils qu'il n’a pas connu.

Originaux

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