Lettre de F Deberon à Lazare Rachline à propos de Vila Rachline -
Correspond à la page : 331Note de l'auteur
Lettre d'un avocat à Lazare Rachline qui entretient l'espoir sur le sort de Vila Rachline.Retranscription
F. DEBERON
14, rue Clapeyron
PARIS ( 8°)
Paris, le 20 Octobre 1944
Monsieur,
Permettez-moi d’ajouter quelques mots aux explications que je vous ai fournies.
Je vous ai senti si désemparé en raison de l’incertitude dans laquelle vous êtes du sort de Monsieur votre frère, que je ne puis m’empêcher de vous dire mon espoir – je ne puis malheureusement dire : ma certitude – qu’il n’a pas subi le sort qui lui est attribué par les prisonniers du fort Montluc.
Vous êtes en présence de trois versions :
- La première, qu’il est sorti du fort pour être fusillé ;
- La seconde, qui résulte des renseignements que j’ai recueillis, qu’il a été transféré à Pithiviers, d’où il a été déporté pour l’Allemagne ;
- La troisième, qu’il aurait été fusillé à son départ de Pithiviers.
En ce qui concerne la première version, vous n’avez rien qui vienne corroborer la supposition des prisonniers. Ils l’ont vu partir, et ils ont supposé, parce qu’il n’a pas emporté de bagages, qu’il a été fusillé. Si la chose était exacte, son corps aurait été retrouvé et identifié. – J’ai entendu dire qu’en effet, des Israélites ont été fusillés par les Allemands sur le terrain d’aviation de Bron ou aux environs de Lyon.- La chose n’a jamais passé inaperçue.- Si son corps avait été laissé sur le terrain, il aurait été inhumé à Lyon ou aux environs, et des déclarations auraient été recueillies sur place, qui permettraient son identification.- Il me semble que vous seriez déjà informé par les Autorités locales.
D’autre part, Me CUMIN, avocat à Lyon m’a écrit (je vous ai lu sa lettre) qu’il n’y avait aucune trace d’un dossier soumis au Tribunal Militaire Allemand de la région. Aucune condamnation n’a donc été prononcée contre lui.
J’en ai parlé à un ami, qui faisait partie d’une Organisation de Résistance locale, qui a, à plusieurs reprises délivré des prisonniers du fort de Monluc et qui est assez documenté. Le nom de RENAUDIN ne lui est pas inconnu. – Il va rentrer à Lyon Mardi prochain, et il fera une enquête immédiatement et m’en écrira le résultat.
S’il avait été fusillé lors du départ de Pithiviers, à la suite d’une tentative d’évasion, il paraît hors de doute que la population l’aurait appris. – Je n’en ai pas entendu parler au mois de Juillet. – La population était très informée de ce qui se passait au camp et j’ai entendu parler, avec pitié, par des habitants de Pithiviers, des cadavres d’Israélites trouvés aux environs du camp lors des premiers internements.
Or, je n’ai recueilli aucune information à l’égard de fusillés au mois de Juillet.
Je pense donc qu’il y a tout lieu de supposer que le renseignement que j’ai recueilli est le bon, et que Monsieur votre frère est actuellement en Allemagne.
Quand la région de Metz aura été dégagée, peut-être arriverez vous à obtenir une information en ce qui concerne son passage. – Metz était, en quelque sorte, une gare régulatrice pour les malheureux déportés Israélites et je pense qu’il a dû être conservé un contrôle des passages, puisqu’ils étaient m’a t’on dit, à leur arrivée, dirigés sur des directions parfois différentes.
D’ici là, ne pourriez-vous pas, par voie d’annonces dans les journaux et en vous adressant au mouvement des prisonniers civils, obtenir le nom d’une personne l’ayant approché et qui pourrait vous apporter des renseignements intéressants.
Je suis à votre disposition pour essayer de vous aider en la circonstance, si je puis vous être d’une utilité quelconque, et ne craignez pas de me mettre à contribution pour les démarches que vous estimerez utiles.
Je vous prie, Monsieur, de croire à l’assurance de ma haute considération.
Monsieur RACHET
Ministère de l’Intérieur
Place Beauveau – PARIS -