Hommage spécial de "Perspectives France Israël" - Gérard Rosenthal

Retranscription

Hommage à Lazare Rachline

par Gérard ROSENTHAL

Le vent n'a pas fini d'arracher sur les murs de la ville les derniers placards des meetings que Lazare Rachline a animés pour l'idéal qu'il a servi sans défaillance pendant quarante ans. Le mal a eu raison de son autorité, de son activité et de sa franchise.

L'ardeur de sa jeunesse l'avait porté, il y a quarante ans, au premier rang de ceux qui, lors du procès Schwartzbard, créaient aux côtés de Bernard Lecache la ligue contre les pogromes et ouvraient la route au tumultueux et courageux combat de la L.I.C.A.

Cette lutte hautaine et passionnée contre la bassesse et le crime antisémites, cette revendication et cet engagement, il les a toujours assumés et constamment servis. Il devait s'y maintenir toujours en première ligne. En quelque péril ou en quelque faveur que le sort l'ait placé, on ne lui connut ni concessions, ni accommodements.

Sur l'arène terrible de la guerre, les redoutables événements devaient mettre à l'épreuve la trempe qu'il avait acquise dans la lutte des idées et des rassemblements de rues. Ils devaient conférer à Lazare Rachline sa véritable dimension. Le soldat évadé était devenu un combattant de la nuit qui se révélait un chef dans les plus difficiles et les plus courageuses entreprises et qui devait assurer un emploi capital dans les opérations du débarquement.

Son visage calme et grave et souriant m'était à nouveau apparu dans les ruelles de Brive où résonnaient les pas des patrouilles allemandes, alors qu'entre deux missions remplies pour Londres dans la France envahie, il s'enquérait de son frère tombé aux mains des polices hitlériennes qui devaient lui faire expier son audace.

Lorsque, dans la paix reconquise, les options de la vie le conduisirent à renoncer aux postes importants occupés aux heures du combat pour devenir un grand chef d'industrie, nombreux furent ceux qui regrettèrent, bien qu'il ne s'en soit jamais écarté de loin, que ce choix prive notre vie publique d'un caractère dont la droiture, l'énergie et la lucidité réservaient de grandes promesses.

Profondément attaché à son sol et profondément lié à sa tradition ancestrale, foncièrement homme de gauche, naturellement adversaire de toutes les oppressions, valeureux aux combats de la Résistance et indéfectiblement voué au service d'Israël, fidèle au souvenir du Général de Gaulle et ne démentant jamais l'amitié qui le liait à Mendès-France, Lazare Rachline réalisait cette unité dans la fermeté, l'intelligence et l'action.

Au cours des derniers mois et au coeur des derniers événements, il se prodigua avec une inlassable efficacité parmi les hommes éclairés qui étaient ses amis. Ensuite, je l'ai retrouvé dans les calmes et derniers matins que Suzanne Rachline protégeait, devant les grandes fenêtres qui s'ouvraient sur les arbres du Bois.

Les forces qu'il a prodiguées et peut-être épuisées au cours de sa dernière bataille ont été vouées par lui à la cause qui s'identifiait à la cause de sa propre existence.

Gérard ROSENTHAL.