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Presse - Article de Gérard Rosenthal dans "Le Droit de Vivre"

Correspond à la page : 138

Note de l'auteur

Hommage pour la cinquième anniversaire de la mort de Lazare Rachline.

Retranscription

Notre ami Lazare Rachline

par GERARD ROSENTHAL

Cinq ans après sa mort, la figure de Lazare Rachline n'a rien perdu de son éclat. Son visage fin et buriné, plein d'énergie et éclairé par son sourire n'a pas quitté notre mémoire. Compagnon le plus proche de Bernard Lecache, il appartient à la poignée de jeunes hommes qui, au lendemain du procès de Schwartzbard - celui qui avait abattu Petlioura, l'Hetman des pogromes - ont fondé la L.I.C.A. pour se dresser contre la vague montante du fascisme et de l'antisémitisme, il y a déjà quarante cinq ans.

Pour la L.I.C.A., il s'est donné avec passion, à la tribune et dans les faubourgs, pour animer ces phalanges qui, dans les coeurs et dans les rues, faisaient front contre l'injustice et dont la lutte, en ces temps sombres, saluée par les meilleurs esprits, alliait la générosité, l'intelligence et le courage. Il se trouvait aux côtés de Bernard Lecache pour dénoncer les vrais incendiaires du Reichstag et au premier rang des militants pour tenir tête aux bandes réactionnaires dans les quartiers de la ville.

Sur sa tombe, Bernard Lecache a rappelé qu'ils furent ensemble en Palestine en 1929, lors des pogromes d'Hébron et de Safed et que c'est avec lui que furent conduites la dénonciation et la lutte contre la garde de fer roumaine de Codreanu, contre les houligans polonais, contre les premiers SS d'Allemagne ou d'Autriche, les Degrelle de Belgique et les Mosley d'Angleterre.

Sous l'impulsion de ses pionniers, la L.I.C.A. élargit son combat à la lutte contre toutes les oppressions et à la défense de toutes les libertés, de la Pologne à l'Espagne, et du Maroc au Transvaal, comme elle devait le faire d’Harlem à Léningrad.

La flamme qu'il apportait à la cause des victimes de l'antisémitisme et des persécutions a brillé plus intensément encore pendant la guerre, comme sur un champ devenu plus vaste. Il a allié tout naturellement la haine contre l’injustice raciste à la fierté de la lutte contre l'occupant.

Lazare Rachline, qui avait décliné une affectation spéciale, participa aux combats du col du Bonhomme. Capturé, il réalisa une évasion périlleuse pour rentrer en France. Il suscita le réseau « Lucien » qui devait assurer de nombreux parachutages d'armes et d'explosifs et le retour en Angleterre de dizaines d'aviateurs anglais, canadiens et américains et de combattants de la résistance. Un de ses exploits fut la libération de quinze officiers captifs à la prison de Mauzac et qui comptaient parmi eux Pierre-Bloch.

Lazare Rachline fut condamné à mort par un tribunal allemand tandis que son frère Vila tombait aux mains de la Gestapo qui procéda à son assassinat.

De Londres, où il avait rallié le général de Gaulle, Lazare Rachline -Lucien Rachet - se vit confier d'importantes missions secrètes qui le conduisirent en France occupée, armé seulement de la pilule de cyanure, gardienne de l'Ombre et du silence. Il dirigea la mission « Socrate » qui remplit un rôle capital dans les opérations du débarquement.

Lorsque dans la paix reconquise, il résigna ses fonctions officielles pour reprendre ses activités professionnelles, ses amis regrettèrent la perte pour la vie publique d'un homme auquel son caractère, son inspiration et ses moyens assuraient un rôle éminent et fécond - et auquel ne devait jamais manquer la haute estime de de Gaulle et de Mendès-France, de Malraux ou de Defferre.

Mais la passion, qui ne devait jamais l'abandonner et qui confondait en lui l'attachement à son sol, la défense des libertés et la tradition ancestrale, devait développer enfin son ardeur et son pathétique dévouement au service d'Israël, considéré par lui comme la terre des anciens, la terre d'asile et la terre du renouveau. Il lui voua son énergie lors de sa difficile naissance et contre les périls qui menaçaient son existence. Au soir du meeting au Cirque d'Hiver, à la veille de la guerre des Six jours, son appel enflammé galvanisa les esprits. Ce fut son plus grand et son dernier discours.

Le temps peut s'écouler. Rien ne peut infliger d'outrage à sa mémoire.

Originaux

Scan original de Presse - Article de Gérard Rosenthal dans "Le Droit de Vivre"Scan original de Presse - Article de Gérard Rosenthal dans "Le Droit de Vivre"