Hommage spécial de "Perspectives France Israël" - Général Pierre Koenig
Correspond à la page : 138Note de l'auteur
Hommage du héros de Bir Hakeim.Retranscription
Dernier hommage à un ami
par le Général Pierre KŒNIG
Nous autres, de l’Alliance France-Israël, ressentons très cruellement la disparition de Lazare Rachline qui, depuis la fondation de notre Association, et jusqu’à sa mort, fut notre Secrétaire général débordant d’activité et l’être profondément aimé de tous sans exception. Cela, je l’ai dit brièvement devant sa tombe encore ouverte, au cimetière de Bagneux où il allait reposer auprès de son frère Vila, fusillé, et qui fut un de nos Compagnons de l’Ordre de la Libération. Je veux le répéter dans cette revue à laquelle il a collaboré tant de fois. En écrivant ces lignes, je revois son visage attachant, à la fois buriné et fin, d’où émanait tant de bonté et d’intelligence, et ce regard lumineux qui laissait transparaître sa foi et son honnêteté.
Je l’avais rencontré pour la première fois dans les rangs des F.F.L. à Londres, lorsqu’il était Secrétaire général du Commissariat à l’Intérieur où il creusait sans cesse les problèmes que poserait la France libérée après le débarquement de juin 1944 dont on escomptait bien, cette fois-ci, le succès. J’avais appris que, quoique placé en affectation spéciale au moment de la mobilisation, il avait fait volontairement la campagne de 1940, de manière fort brillante, dans un Régiment d’Artillerie.Fait prisonnier au cours de la grande rafle, il s’était évadé d'Allemagne dès 1941, dans des conditions extrêmement périlleuses ; il avait tout de suite milité à fond dans les rangs de la Résistance Intérieure. Dès nos premiers contacts, j’avais été frappé par la fermeté de son caractère.
Quelques années plus tard, je le retrouvais à l’Alliance France-Israël qui — il faut le rappeler — comptait dans ses fondateurs beaucoup de grands noms du R.P.F., accolés à ceux d’hommes de toutes nuances de l’échiquier politique national. Il y avait pris d’emblée une place de choix et s’était imposé par son autorité morale indiscutable. Depuis sa jeunesse, il avait été un défenseur acharné des causes de justice et de vérité. Dans nos rangs, il resta lui-même, mais fut surtout l’un des plus fervents et des plus efficaces protagonistes d’une Alliance entre Israël et la France. C’est cet idéal qu’il a servi jusqu’à son dernier souffle. On peut donc affirmer que, dans son action pour promouvoir les buts de notre Association, il n'a fait que prolonger celle qu’il menait depuis toujours dans la lutte contre le racisme, puis dans la Résistance Intérieure Française, pour la Liberté des peuples et des hommes.
Mais peu à peu, en particulier dans le second semestre de 1967, ses forces déclinèrent. Les événements de la guerre en Israël, qu’il ressentait plus douloureusement que quiconque, n’y furent point étrangers. Il aurait dû prendre un repos complet et cesser tout genre d’activité qui bouleverse le cœur d’un homme de sa lignée. Autant ne plus vivre, pensa-t-il à coup sûr ! En toute lucidité, il refusa de se ménager. C’est donc sciemment qu’il choisit la voie du sacrifice suprême.
J’ai dit qu’il avait ressenti plus qu’aucun de nous les épreuves d'Israël à partir du 15 mai 1967. Qui ne se souvient de sa dernière intervention publique au Cirque d’Hiver, le 30 mai dernier, lors des grandioses manifestations spontanées au cours desquelles le Comité de Solidarité France-Israël appela le peuple parisien à témoigner sa sympathie à l’Etat Hébreu en péril de mort ? Orateur né, il s’adressa à la foule pour donner les raisons de sa présence et clamer sa foi en Israël. Nul ne se doutait qu’il nous livrait là son testament d’homme politique, et d’Homme tout court ! Dans les semaines qui suivirent, surmontant la fatigue, il fut à mes côtés l'animateur de toutes nos entreprises. Un nouveau mal — et celui-là ne pardonne pas — le frappa sournoisement : le lutteur acharné dut s’aliter pour ne plus se relever. On peut affirmer avec certitude qu’il est mort sur la brèche, en guerrier qui défend son idéal.
C’est à sa mémoire que ses amis apportent ici leur tribut de reconnaissance. Les souvenirs que voici émanent de compagnons qui l’ont bien connu ; ils contribueront à restituer une image exacte de sa vie. Que cet hommage d’admiration et de gratitude soit un réconfort pour sa famille, mais surtout qu’il suscite des vocations semblables à la sienne !
Pierre KŒNIG Président du Comité Alliance France-Israël.