Accueil Biographie de L.R.

Mission Clé - Synthèse par Lazare Rachline

Correspond aux pages : 259, 260

Note de l'auteur

Compte-rendu de la mission Clé par Lazare Rachline, non daté, mais établi selon toute vraisemblance en 1945.

Retranscription

Dans le courant du Mois de Mars 1944, le Général de Gaulle me chargeait d’une mission en France. Celle-ci prenait le nom de mission « CLE ».

Au début d’Avril je quittais l’Angleterre accompagné du Colonel Ely (actuellement Général), sur une vedette rapide et trois jours après je rencontrais Parodi que je devais mettre en place comme Délégué Général du Comité National d’Alger.

Au cours des différentes négociations que j’engageais avec lui et les Membres du C.N.R., je m’aperçus que la plupart des dirigeants de la Résistance, sur l’insistance des communistes, étaient décidés à déclencher l’Insurrection Nationale le jour même du débarquement.

Cette question avait été évoquée par le Général de Gaulle lors de la conversation qui avait précédé l’établissement de ma mission et voici quels avaient été les ordres impératifs que j’étais chargé de communiquer au Délégué Général : En aucun cas la Résistance ne devra déclencher l’insurrection autrement que sur l’appel direct du Général de Gaulle.

Le Président du Gouvernement Provisoire d’Alger avait ajouté :

« Les Alliés débarqueront en France, ils établiront une ou plusieurs têtes de pont, ils y amasseront du matériel et ils suivront un plan minutieusement établi à l’avance. Cela veut dire que si l’insurrection éclatait trop tôt, elle ne serait pas aidée par les armées du débarquement car cela n’est pas compris dans les plans alliés. Nous sommes comptables des vies françaises et c’est pourquoi le déclenchement de l’insurrection ne pourra se faire qu’au moment opportun, c’est à dire, quand j’en donnerai personnellement l’ordre ».

J’ajoute que sur le moment, c’est une question qui ne m’avait pas semblé extrêmement importante, et je pensais qu’elle ne ferait pas l’objet de discussions lors de mon arrivée en France.

Je devais être rapidement détrompé par PARODI et par CHABAN-DELMAS, et je me rendis compte alors de l’importance que revêtaient les instructions données à cet égard par le Général de Gaulle.

En effet, Parodi ne se sentait pas assez sûr de son autorité pour imposer le point de vue du Général de Gaulle que je lui communiquais et, d’autre part, les Membres du C.N.R., les uns après les autres, voulaient absolument me convaincre de la nécessité de faire coïncider, dans l’intérêt de la France, l’insurrection Nationale avec le débarquement. Chacun se référait à la phrase du Général de Gaulle : « LA LIBERATION NATIONALE EST INSÉPARABLE DE L’INSURRECTION NATIONALE ».

J’étais néanmoins l’esclave des consignes qui m’avaient été données, et c’est alors qu’avec Parodi, Ely et Chaban-Delmas, nous établîmes un protocole qui fût signé dans une Maison du Bd. De Courcelles et qui, en substance, déclarait à peu près ceci : « D’ordre du Général de Gaulle et du Comité National de la Libération, le jour de l’Insurrection National sera inséparable de la Libération Nationale, mais sera celui indiqué à la rade, soit par le Général de Gaulle lui-même, soit par son porte-parole habituel. En aucun cas, l’Insurrection Nationale ne sera déclenchée, soit par un appel des alliés, soit sou toute autre forme que celle indiquée plus haut ».

Ce papier est resté en France, et il doit probablement appartenir aux archives de M. Parodi, à moins qu’il n’ait été détruit.

Je suis persuadé que Parodi, Ely et Chaban-Delmas se souviennent parfaitement de ce document que nous avons établi ensemble.

Etant porteur d’une mission qui me donnait de larges pouvoirs, c’est sur l’insistance de Parodi et de Chaban-Delmas que nous avons fait ce papier et que j’y ai apposé ma signature, pour leurs permettre de déclarer au C.N.R. que cet ordre était bien du Général de Gaulle lui-même.

Il est bien évident que si l’ordre en question n’avait pas pu parvenir, l’Insurrection aurait sans doute éclatée le 6 Juin, et que Paris aurait, dans ces conditions, subi, très certainement, le sort de Varsovie. Dans l’Histoire de la Libération de Paris, il est intéressant de savoir qu’à Londres comme à Alger, les précautions avaient été prises pour éviter la destruction de la Capitale, et que c’est en grande partie au Général de Gaulle que revient toute la responsabilité d’avoir évité le carnage et la destruction de Paris.

Originaux

Scan original de Mission Clé - Synthèse par Lazare RachlineScan original de Mission Clé - Synthèse par Lazare RachlineScan original de Mission Clé - Synthèse par Lazare Rachline