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Lettre de Lazare Rachline à Roger Hesse

Correspond à la page : 40

Note de l'auteur

L'avant-dernier paragraphe indique les visions de Lazare Rachline sur la guerre en cours, alors qu'il est en garnison à Orléans.

Retranscription

Mon cher Roger,

Ta lettre du 31 mai m’attriste et m’étonne. Elle m’attriste parce qu’elle a un petit air cafardeux qu’il ne faut pas avoir en ce moment ; elle m’étonne parce que j’ai répondu aussitôt à la gentille lettre que m’a envoyée Denise. Je ne me souviens plus si je t’ai écrit chez toi ou à l’usine, mais je t’ai répondu.

Je sais bien, mon cher vieux, que vous avez des difficultés. Je sais bien que cela ne marche pas tout seul, ni même en faisant des efforts, mais c’est dans les circonstances graves et périlleuses qu’on doit avoir le plus de courage et de ténacité.

L’épreuve que nous traversons tous, chacun à sa place, doit tremper nos âmes et nous trouver prêts à répondre aux urgences que la situation nouvelle, chaque jour, nous impose chaque fois davantage.

Tu me dis que tu souffres du manque de décision et je vois à qui tu fais allusion, mais quelle décision veux-tu qu’il prenne ? Fais m’en part et peut-être malgré mon éloignement pourrai-je faire quelque chose, en me jetant dans la balance. Evidemment, la psychose actuelle, et c’est compréhensible, incite à réserver le fer pour l’armement, mais le service de santé est également indispensable et il faut des lits si on veut soigner les blessés. Il faut insister pour avoir nos livraisons de matières, faire des pieds et des mains et savoir démontrer que nos fabrications sont également indispensables. D’ailleurs, j’ai confiance et je sais que tu n’as pas dû ménager tes démarches. Elles auront un résultat si tu sais être persévérant. Il faut même être em…dant. Dans sa lettre, Denise me disait que tu essayais d’avoir des ordres pour l’aviation. Je ne vois pas ce que l’usine pourrait faire ex abrupto pour ce département, peux-tu me dire ce que tu crois ? De toute façon, nous sommes outillés pour le service de santé et c’est surtout là que tu dois orienter tes efforts. Et puis, que peut-on faire avec nos fers déjà profilés ? S’il en existe de fabriqués, il est évident que ce fer est plus utile et plus apte à faire des lits que des avions et des tanks

De toute manière, il faut conserver le moral haut et l’espoir tenace. Malgré les revers, malgré les lâchages, malgré l’Italie sans doute bientôt, nous reverrons des beaux jours. Nous verrons peut-être la Russie et l’Amérique et la Turquie et d’autres venir avec nous et nous finirons par vaincre. La vie sera encore belle.

Ici, le moral est bon et nous tiendrons et, malgré tout, je suis sûr d’en revenir. Mais alors, je te jure… oui je ne veux pas nos fils recommencent.

Nous pouvons converser ensemble. Ecris-moi et je te répondrai. Fais-moi part de tes démarches et tiens-moi au courant. Parfois un conseil pourra t’être utile.

Embrasse bien Denise qui me semble avoir bon moral. Je t’embrasse fraternellement. Lazare.

Originaux

Scan original de Lettre de Lazare Rachline à Roger HesseScan original de Lettre de Lazare Rachline à Roger Hesse