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Lettre de Casimir Prévost à Suzanne Rachline

Correspond à la page : 64

Note de l'auteur

Lettre qui rend compte du processus "d'aryanisation" de l'affaire familiale Rachline.

Retranscription

Le 24 février 1941

Ma Chère Suzanne

Excusez-moi de ne pas vous écrire plus souvent. Les occasions se font rares – j’en ai une par le père de Simone. J’en profite. Nous sommes dotés depuis le 3 février d’un commissaire gérant. J’avais pris toutes mes précautions pour que soit désigné quelqu’un un ami, car moi je ne pouvais l’être. Mais les Allemands en ont envoyé un directement qui était nommé par eux depuis le 16 Xbre 1940. Bien entendu j’ai protesté de tous côtés et fait pas mal de démarches auprès des organismes officiels pour le faire récuser. Tout le monde reconnaît que c’est illégal, et on m’a promis d’intervenir en me laissant peu d’espoir, car les occupants se moquent de la légalité. Ce qu’il y a surtout derrière tout cela, ce sont des Français – la maison Simons et peut-être d’autres – qui essaient de s’emparer de l’affaire. C’est un véritable roman et ce serait trop long à vous raconter. En tout cas ne vous inquiétez pas outre-mesure, j’agis de mon côté et je ferai tout ce qu’il sera humainement possible pour conserver l’affaire. J’ai pu obtenir du commissaire-gérant de continuer à envoyer la mensualité de votre belle-mère – mais comme je suis obligé de lui envoyer officiellement il faut qu’elle fasse ouvrir un compte chèque-postal. Je lui écris en ce sens. J’ai touché de Monsieur Jacquet 10 200Fr, provenant des loyers du passage Frékel. Je les remet (sic) ce jour à Monsieur Solinsky pour qu’il les fasse parvenir à Cosne si possible. Quant à vous et Simone, ce monsieur ne veut rien savoir tout au moins pour le moment. Je ne peux rien faire, n'ayant plus le droit de signer les chèques. Vous serez sans doute quelques temps avant de rien recevoir. Je recommencerai à le talonner dans quelques jours. Peut-être aurais-je plus de succès. J'ai fait adresser officiellement à Lazare et à Vila une procuration en faveur de votre père et de Mr A S qui leur servira si nous sommes acculés à la vente. Bien entendu je n'ai pas dit à Lazare et Vila la raison exacte qui me faisait leur demander ces procurations. Je me tiens en contact avec vos familles et conserve quand même réussir (sic), mais il vaut mieux prévoir le pire. J'ai reçu la semaine dernière une carte de Lazare du 27 janvier. Il allait bien. Je vous retour envoie le reçu des assurances sociales 4ème trimestre pour Mademoiselle Guibert. Il vaudrait mieux que vous la fassiez inscrire à Brive. Reçu une demande de renseignements de Monsieur Chabert 10 route Majoin à Brive. Voulez-vous le prévenir que nous regrettons de ne pouvoir y donner suite en raison : 1° du manque de matières premières. 2° deux des difficultés pour expédier en zone libre. Je ne vous parle pas de Villepatour, votre mère vous mettra au courant. L’usine tourne tant bien que mal. Je pousse la production, pour laisser le moins de marchandises possible au cas où la maison serait vendu à d'autres ce qui n'est pas encore fait. Il y aura peut-être du nouveau d'ici là. J espère que vous êtes en bonne santé, ainsi que les enfants et toujours bien ravitaillée. Ma femme se joint à moi pour vous embrasser tous.

Prevost

J’ai remis 2281F.60 à votre mère provenant du solde de votre compte B de F. J’ai pu les retirer. Il me restait un chèque signé pour vous.

Originaux

Scan original de Lettre de Casimir Prévost à Suzanne RachlineScan original de Lettre de Casimir Prévost à Suzanne Rachline