Discours de Lazare Rachline au Cirque d’Hiver
Correspond aux pages : 369, 370, 371, 372Note de l'auteur
Dernière intervention publique de Lazare Rachline.Retranscription
La voix d'une conscience
Son dernier discours
Il se trouve que, par hasard, ce soir je suis le seul Juif inscrit comme orateur. Je dois vous dire que, pendant de nombreuses années, je me suis senti une double personnalité, je ne sais plus très bien quel équilibre s’établissait en moi, car je suis aussi Juif que Français. Devant ce qui se passe dans le monde, je me sens vraiment, entièrement, intégralement Juif.
J’ai même le droit de dire – je l’ai démontré dans certains circonstances – que ma vie a toujours été à la disposition de mon pays ; mon pays, c’est la France. Cependant, j’ai quelque droit de parler d’Israël, non seulement parce que je suis Juif mais parce que ce pays représente la morale et la justice, cette morale et cette justice que toutes les nations actuellement dans le monde se plaisent à dénigrer et à bafouer.
Israël est en danger et il est difficile d’essayer d’expliquer soit juridiquement soit en fait ce qui se passe là-bas ; d’ailleurs, vous le savez bien, la situation est grave et je crois que les Israéliens sont dans leur droit de quelque façon que le combat commence.
Je crois malheureusement, tout en aimant la paix comme Israël aime la paix, je crois que nous sommes en ce moment devant la guerre. Cette guerre, puisque nous sommes en France, le chef de l’Etat a essayé de l’écarter. Je pense qu’il a bien fait. Il s’est adressé aux grandes nations pour éviter l’affrontement. Il n’a pas obtenu les réponses, que peut-être il n’attendait pas. Je peux vous le dire, car je l’ai servi, j’ai été son chargé de mission et chacun d’entre nous ici vous comme moi-même, nous avons pour cette personnalité extraordinaire le plus grand respect. Mais ce respect nous le lui devons parce qu’il a été, pendant les années noires, l’incarnation et le symbole de la libération de la Patrie, le symbole de notre honneur, le symbole de la reconquête de notre dignité.
Eh bien puisqu’il y a à cette tribune des hommes qui lui sont proches, je leur dis : Ce n’est pas seulement à cette salle, ce n’est pas seulement pour nous qu’il faut prononcer les paroles qui viennent de votre cœur, c’est aux membres du gouvernement français, c’est à eux qu’il faut le dire. Les Juifs en Israël sont en face du drame et il faut bien dire que nous sommes près d’eux par le cœur et par la pensée. Mais combien nous nous sentons impuissants pour leur venir en aide.
Si cet affrontement devait se produire, alors que le Dieu tout puissant, celui que nous avons apporté au monde chrétien, au monde mahométan, que le Dieu puissant, celui des armées, nous aide à vaincre cette fois encore ! Que dans les nations, et particulièrement dans la nôtre, passe le souffle ardent qui oblige nos gouvernants à prendre position. Il faut que la France prenne position. Vous voyez que je ne doute pas de la position qu’elle prendra.
Il faut que les armées d’Israël soient puissantes, qu’elles sentent que nous les entourons de notre solidarité fraternelle. Il faut que ces armées soient aidées, et nous vous disons donnez votre argent, mais je vous dis aussi : « Prions ensemble pour que, si cet affrontement doit avoir lieu, chacun comprenne son devoir et fasse régner dans ce coin de terre une paix que les soldats israéliens souhaitent chaque jour lorsqu’ils disent en se rencontrant : Chalom ! Répondant à notre action personnelle, peut-être les paroles prononcées ici auront-elles la possibilité de traverser les murs de ce Cirque d’Hiver, de cette enceinte bien trop petite pour contenir la foule de Paris qui voudrait nous écouter, que nos paroles soient entendues en Israël, et aussi par nos Gouvernants, et qu’enfin le Dieu puissant fasse en sorte que nous puissions aider, sous son autorité sublime, notre armée d’Israël.