Hommage spécial de "Perspectives France Israël" - Diomède Catroux
Correspond à la page : 138Note de l'auteur
Hommage d'un homme lié à Lazare Rachline par le combat commun contre l'antisémitisme et en faveur d'Israël.Retranscription
Dans un combat commun
par Diomède CATROUX
J'AI rencontré Lucien Rachet, pour la première fois à Londres, au temps du blitz. Il y dirigeait avec Georges Boris le Commissariat à l'Intérieur, du Comité National français. Sa capacité de créer, de coordonner et d'agir faisait merveille. Par sa force tranquille, son sang-froid, sa vision généreuse, son égalité de caractère, il s'était attiré l'estime et l'affection de tous. « La France libre — aimait-il à dire, c'est la grande réconciliation des Juifs et des Bretons, ils redécouvrent, après des siècles bêtes d'aprioris, que le patriotisme et la dignité de l'homme sont aristotéliens — l'Unité dans la diversité il n'y a que celà ».
J'ai retrouvé Lucien Rachet dans un autre combat commun, l'amitié intransigeante et noble entre la France et Israël. Nous avons vécu ensemble la période d'or de son épanouissement qui va de 1948 à 1967. Il nous semblait alors, tellement les liens entre Israël et la France étaient spontanés et naturels, que rien ne viendrait jamais les troubler.
Tous les gouvernements de la IVème République et même les deux premiers gouvernements de la Vème, s'honoraient de cette fidélité du cœur et de l'esprit, et des intérêts tissés en commun. Charles de Gaulle, premier Résistant de France, ne pouvait qu'approfondir et embellir cette solidarité des deux peuples. De cet Israël né de l'affirmation de la liberté et de la dignité des hommes, né du refus de l'oppression.
Lazare Rachline, un des premiers compagnons du Général de Gaulle, qui a été de toutes les luttes pour l'affirmation de notre pays, a été comme frappé dans son âme par l'attitude de la France dans le conflit de juin dernier. La France, qui mettait l'embargo sur les armes, la France qui déclarait Israël agresseur, la France qui réclamait sans assurance préalable le retrait des Forces israéliennes sur ses lignes de départ avant l'assaut.
J'entendrais résonner de longues années encore dans mon cœur chrétien cet appel déchirant de Lucien Rachet, au Cirque d'Hiver, qui se sentait plus Juif que Français. Jamais, étudiant, industriel, Résistant ou Compagnon du Général de Gaulle, Lucien Rachet - Lazare Rachline, n'avait été effleuré par la pensée qu'un jour il pourrait pousser un tel cri.
Lucien Rachet, meurtri, s'est senti alors plus Juif que Français, comme peut-être au temps de Louis XIV certains Huguenots, bons serviteurs de la France, se sont sentis plus Protestants que Français. Ils ont choisi la part d'eux-mêmes la plus malheureuse, et pour ne pas se dresser contre une ingrate patrie qu'ils ne comprenaient plus, ils se sont laissés mourir.
Diomède CATROUX
Président des Amitiés France-Israël.